Crime d’Etat
Par Kamel Moulfi – Comment qualifier juridiquement la répression policière sauvage d’une manifestation pacifique quand le bilan se compte par centaines de tués et quand les corps d’un grand nombre d’entre eux sont jetés dans le fleuve qui traverse la ville où s’est produit ce fait ? Un tribunal international s’est-il penché sur ce crime, car c’en est un, qui a eu lieu à Paris, dans la soirée du 17 octobre 1961 ? Ou alors, les victimes étant algériennes, cela devenait un fait divers ? La «chaîne de commandement» de ce massacre comprenait le président de la République, le général de Gaulle, son Premier ministre, Michel Debré, le ministre de l’Intérieur, Roger Frey et, surtout, l’exécutant Maurice Papon, alors préfet de police de la Seine. Beaucoup de voix s’élèvent encore pour que les autorités françaises appellent cet événement par le nom qui lui correspond : crime d’Etat ou massacre d’Etat. En fait, c’est ainsi que doit être désignée toute la conduite de la France officielle durant l’occupation coloniale de l’Algérie et particulièrement dans la répression des mouvements de résistance incessants jusqu’aux manifestations du 8 mai 1945 puis la guerre de Libération. Les petits pas faits par François Hollande à coups de reconnaissances limitées des faits et d’aveux à demi-mot de la responsabilité de la France ne suffisent pas. Les autorités françaises doivent avoir le courage de faire le grand pas qui les sépare de la vraie reconnaissance du caractère criminel du colonialisme. S’agissant du 17 octobre 1961, le président français n’ose pas nommer les responsables du massacre commis par Papon sur les ordres de Roger Frey avec l’accord – comment peut-on l’exclure ? – de Michel Debré et du général de Gaulle. Cinquante-deux ans après, leur responsabilité ne fait aucun doute et n’a pas besoin d’être établie, tout comme les faits dont tous les aspects sont, depuis longtemps, parfaitement connus. Mais quel président français osera sortir son pays définitivement du colonialisme en mettant un terme aux mensonges d’Etat destinés à maquiller cette partie infâme de l’histoire de France ?
K. M.
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