Je-m’en-foutisme national
Par Kamel Moulfi – Comme au bon vieux temps des «organisations de masse» – presqu’avec la discipline et l’harmonie orchestrées par le parti unique –, l'UGTA (travailleurs), l'UNPA (paysans) et l'ONM (moudjahidine) ont publié des communiqués stigmatisant le geste de profanation de l’emblème national au consulat algérien à Casablanca. Les termes employés n’ont pas eu la véhémence d’antan, tout comme ceux des dirigeants de parti qui ont semblé obligés d’en dire quelques mots dans leurs interventions consacrées à autre chose. Des propos marqués, tout le monde a pu le constater, par la «retenue et la sagesse», ce qui correspond à la tonalité voulue officiellement. Du côté du réel, c'est-à-dire la rue, principal baromètre, dans notre pays, de l’état d’esprit de la population, c’est le silence, il faut bien l’admettre. Le contraste est trop fort avec la gravité des faits, touchant un symbole aussi sacré que le drapeau national, pour qu’il passe inaperçu. Pour moins que ça, on s’en souvient, un simple match de football et une agression, comme il s’en passe tous les jours dans le monde, contre l’équipe nationale, la rue s’était enflammée sans «sagesse» ni «retenue». Le chauvinisme sportif avait été actionné à fond par une «main invisible» et il avait donné le résultat que l’on sait : un comportement guerrier chez les Algériens totalement disproportionné par rapport aux faits. Certes, ça concernait le football qui nourrit les passions même à des dimensions bien plus réduites, y compris à l’échelle d’une petite équipe locale, et leurs manifestations sont violentes. Mais dans la crise algéro-marocaine, comment comprendre ce qui s’apparente plutôt à une démobilisation générale des Algériens ? En fait, à force d’entendre rabâchés les mêmes discours nationalistes tandis que la classe politique montre chaque jour un peu plus que son seul but, c'est d'atteindre le pouvoir et de s'y maintenir ad vitam ad aeternam, le peuple a fini par répugner la chose politique : c'est aux politiciens de régler ce problème et tous les autres, semble dire la rue. Ce peut être un glissement dangereux à cause d'une classe politique égoïste et cupide qui a tué jusqu'au sentiment d'appartenance nationale chez une majorité d'Algériens.
K. M.
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