Le roi et les pions
Par M. Aït Amara – C’est à une partie d’échecs que Bouteflika s’adonne depuis qu’il est revenu au pouvoir. Au lieu d’œuvrer à remettre un pays qui sortait d’une décennie de violence terroriste sur les rails, il s’est fourvoyé, durant ses trois mandats, dans des calculs machiavéliques qui devaient, à terme, lui assurer la pérennité au sommet de l’Etat. Mourir président semble être son but finalement. Dans la partie qu’il a entamée en avril 1999, Bouteflika ne joue pas contre un ou plusieurs adversaires, mais contre tout le monde, opposants et alliés. Sur l’échiquier qu’il a lui-même mis en place, il alterne les pièces sur les cases du jeu, plaçant ses proches sur la rangée, ses fidèles sur la colonne et ses pourfendeurs sur les diagonales. Afin de permettre la notation des coups – bas –, les rangées (les proches) sont repérées par des lignes jaunes à ne pas franchir, les colonnes (les fidèles) par des dossiers d’affaires scabreuses qui pourraient être exhibés au cas où ils s’aventureraient à passer dans l’autre camp, et les diagonales (les opposants) par des croix rouges qui les éloignent de tous les centres de décision et les privent de voix. Comme dans le jeu d’échecs, chacune de ces pièces est sur une seule case et chaque case ne peut être occupée que par une seule pièce. En clair, un Amar Ghoul ne peut être qu’un clairon au service du clan et Amar Saïdani ne pourra que donner du rythme à la chorale jusqu’à ce que tous les idolâtres entrent en transe pour un quatrième et dernier mandat pour notre Kasparov national. Sauf que le vrai Kasparov a renoncé à reconquérir son titre en s'imposant face aux nouvelles générations, préférant arrêter de jouer et se consacrer à la politique. Bouteflika dispose d’un roi en treillis, d’une hase, de deux fous et de centaines de pions. Il déplace ses pièces et capture toute pièce adverse se trouvant sur son chemin. Proches et fidèles jouent à tour de rôle, les proches jouant toujours le premier coup de la partie et les fidèles étant dans l’obligation de suivre. Si aucune pièce ne peut venir occuper une case déjà occupée par une pièce de son propre camp, le roi en treillis, lui, se déplace dans n'importe quelle direction, sachant qu’il est interdit à un joueur de mettre son propre roi en échec. Si cela se produisait, on exigerait de l’auteur de cet acte de trahison qui risquerait de faire perdre le clan de se faire hara-kiri. Pour le moment, tout se passe comme le maître du jeu l’a prévu, sauf que la table sur laquelle est posé l’échiquier chancelle dangereusement.
M. A.-A.
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