Un sondage, un prétexte
Par Kamel Moulfi – Les commentateurs de presse en France ont beau tourner les chiffres dans tous les sens, le sondage d’opinion concernant l'Etat islamique en Irak et au Levant (Daech), réalisé dans différents pays européens, par l’institut britannique ICMresearch, effraie les Français. Quelle que soit la lecture qui en est faite, il révèle le soutien, ou au moins une attitude complaisante, d’une partie de la population musulmane qui réside en France, à l’égard de l’Etat islamique. Selon l'agence d'informations russe Rossiya Segodnya qui a commandé ce sondage, 27% des Français, parmi les jeunes de la tranche 18-24 ans, lui seraient favorables. Le sondage rendu crédible par la réputation d’ICMresearch, qui passe pour être très sérieux, a été pris comme prétexte par les milieux hostiles à la présence de l’islam en France pour lancer une campagne raciste visant l’exclusion des musulmans de la société française. Dans ces milieux, on ne se fait aucun doute sur la signification des résultats du sondage. Des organisations d’extrême droite qui se présentent comme le fer de lance de cette démarche d’exclusion, contraire à la politique officielle qui prône l’intégration des communautés qui ne sont pas françaises d’origine, suggèrent de renvoyer les musulmans «dans un pays correspondant davantage à leurs aspirations profondes». Elles estiment qu’après ce sondage, il n’est plus possible de «vivre ensemble». Il faut savoir que certaines de ces organisations exigent la déchéance de la nationalité française des islamistes français qui partent mener le djihad en Syrie. Elles considèrent qu’il s’agit d’une question de sécurité publique. Ces organisations appellent d’ailleurs à rétablir le contact avec «le régime syrien» pour échanger et recueillir des informations pouvant identifier les djihadistes français. Les informations sur l’engagement de Français dans l’action terroriste menée par les groupes armés islamistes en Syrie renforcent l’idée qu’un fort courant de sympathie pour le djihadisme existe chez les musulmans de France. Il y a quelques mois, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait estimé à quelque 300 le nombre de Français déjà engagés parmi les mercenaires qui font partie des groupes armés terroristes dans ce pays. Peu après ce rapport, en mai dernier, la police de Strasbourg avait placé en garde à vue six hommes soupçonnés d'avoir fait partie de groupes armés islamistes en Syrie, après avoir transité par la Turquie. Selon les agences de presse, deux Françaises de 15 et 17 ans ont été arrêtées à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise et à Tarbes (Hautes-Pyrénées), alors qu'elles s'apprêtaient à partir pour la Syrie afin de participer au «djihad». Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a affiné ses chiffres en affirmant qu'«il y a aujourd'hui 900 Français qui sont partis en Syrie, en Irak et en Libye». L’inquiétude est bien fondée.
K. M.
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