Jeu dangereux
Par Kamel Moulfi – La majorité des jeunes s’apprête à passer son premier week-end sans match de Ligue professionnelle de football. Il y aura d’autres journées blanches dans le championnat, on ne sait pas combien, puisque les compétitions de l’élite sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Le football est la passion première des jeunes, surtout pour les plus désœuvrés d’entre eux, si on en juge par leur présence en masse sur les gradins et le déchaînement de violences qu’ils provoquent dans les stades, quel que soit le niveau de la rencontre, de la Ligue professionnelle à la plus petite des divisions. Tout le monde a eu l’occasion d’observer comment cette passion est systématiquement exploitée, sans aucune retenue, à des fins politiques par le pouvoir. L’épisode d’Omdourman, pour le fameux match Algérie-Egypte, en est la parfaite illustration. Certains ont même cédé à la tentation de flatter les instincts de violence dans un réflexe populiste et démagogique. Mais, évidemment, personne n’a pensé que ce jeu dangereux pouvait conduire à la catastrophe qui s’est déroulée le samedi 23 août au stade de Tizi Ouzou avec la mort d’un joueur, étranger de surcroît, tué par un «objet contondant» lancé par un supporter mécontent. La violence chez les jeunes est nourrie et entretenue dans la société, elle ne naît pas dans le stade. Bien sûr, c’est inconsciemment, et plutôt par bêtise, que certains adultes poussent les plus jeunes à des comportements inciviques qui peuvent entraîner une mort involontaire, comme c’est sans doute le cas pour Albert Ebossé. Privés de stade «jusqu’à nouvel ordre», que vont faire les jeunes ce week-end ? La question concerne aussi tous ceux qui sont chargés d’assurer la sécurité, la quiétude et la stabilité dans la société. Vont-ils profiter utilement du répit pour remettre en question tout le comportement démagogique adopté à l’égard des jeunes et définir une politique de la jeunesse qui la mobilise dans le bon sens ? Deux jours après la mort d’Ebossé, dans une soirée musicale de rue, organisée à Alger, les personnes présentes ont été choquées d’entendre une chanson qui encourage la violence et la consommation de la drogue, diffusée à tue-tête : «si tu veux el-houl (le trouble à l’ordre public), viens à Alger, mastoul (drogué)», conseillait le refrain. L’inconséquence se passe de commentaire.
K. M.
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