La leçon des émeutes
Par Kamel Moulfi – L’Etat de droit est vidé de son sens, c’est une évidence quand on voit ce qui se passe localement un peu partout dans notre pays. Contournée ou carrément ignorée, la loi n’est pas appliquée quand les intérêts de maffias, qui ne se cachent plus, l’exigent. Le discours officiel sur la «démocratie participative» ressassé à chaque occasion n’a aucune consistance sur le terrain. Au contraire, l’arbitraire reste le mode de gestion locale qui domine et on comprend pourquoi les avis différents, s’ils sont consultés, vont contrarier les appétits des maffias dont le principal argument est «sonnant et trébuchant». Quand la goutte de plus fait déborder le vase du mécontentement, et cela arrive à chaque instant, c’est ce qui se passe à Bejaïa et à Touggourt en ce moment, c’est l’émeute, puis la répression, et le climat de tension s’installe pour longtemps. Les policiers ramenés pour rétablir l’ordre savent que les solutions sont ailleurs – dans l’écoute des citoyens et la prise en considération de leurs doléances –, ils savent aussi que les infractions à la loi ont commencé d’abord au niveau des autorités locales, mais ils ne peuvent rien à ce niveau. Ils sont appelés à intervenir «après», et les victimes, il y en a toujours inévitablement, des morts et des blessés comme à Touggourt, les arrestations, tout est mis sur le compte de la police. Parfois le remède pour calmer la colère des citoyens est vite trouvé et appliqué sur le champ : distribution de lots à bâtir disponibles ou enveloppes financières à répartir. Mais la paix sociale n’est pas toujours aussi facile à acheter : le logement, par exemple, ne peut pas surgir instantanément ni l’emploi, des besoins essentiels qui se sont accumulés du fait d’un retard diversement expliqué. Face à cette situation de pourrissement, la démocratie locale est irremplaçable. Les citoyens doivent être consultés sur les questions qui les concernent, surtout quand elles ont un impact sur la vie quotidienne, et ils doivent être associés à l’élaboration et à la mise en œuvre des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. C’est l’intérêt du citoyen qui doit primer sur tout le reste. Sinon, ce sont les routes coupées, les pneus brûlés, les sièges des institutions locales assiégés. C’est cela la leçon des émeutes sociales.
K. M.
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