Adieu oulid lebled !(*)
Par M. Aït Amara – Incompris en France, Roger Hanin a, lui, compris que sa place, finalement, était parmi les siens, en Algérie, au cimetière de Bologhine, aux côtés de son père. Sa dernière volonté fut qu’il soit enterré là où il a vu le jour. On retiendra de cette icône du cinéma, mais aussi de la politique, trois anecdotes, témoins de son rhésus sanguin foncièrement algérien. Interrogé par un journaliste alors qu'il rentrait d'un séjour en Algérie, Roger Hanin, dont la dépouille mortelle quittera Paris pour Alger ce jeudi matin, a eu cette réponse qui sortait du cœur : «Je reviens d’un pays où l’orange a le goût de l’orange.» Celui dont les médias français disent qu’il est «mort ruiné» a, en réalité, quitté ce bas monde comme il l’a souhaité. Pauvre. C’est son ami Michel Drucker qui le révèle : «Roger se promenait dans les rues de Paris et distribuait des billets de banque aux mendiants et aux SDF. Quand je lui ai demandé, un jour, pourquoi il faisait cela, il me répondit qu’il voulait mourir pauvre, comme eux.» L’Algérois ne bluffait pas. Il est parti comme il le voulait. Sans le sou. A un autre journaliste qui lui demandait son avis sur les taux d’imposition particulièrement élevés en France, qui s’approchent parfois des 75%, l’enfant de Saint-Eugène a eu cette réplique : «Vous savez, en payant 70% d’impôts sur mes revenus, il me reste 30% et cela me suffit amplement pour vivre.» Trois anecdotes qui balayent d’un revers de main l’idée reçue selon laquelle le juif ne vivrait que pour l’argent. Roger Hanin, au sujet duquel les médias français se focalisent sur sa situation financière avant sa mort, n’était perçu que sous l’angle du showbiz, de la notoriété ou de la proximité politique avec le président François Mitterrand, mais jamais sous celui de l’Algérien qu’il fut, humble et généreux, et dont le détachement matériel était occulté par les lumières aveuglantes de la célébrité. Au crépuscule de sa vie, Roger Hanin a voulu évoluer vers quelque chose de plus haut que le faste et l’exubérance, en s’élevant vers la plénitude de son esprit. Mais les flashs des photographes people et les éclairages des plateaux de télévision et de tournage n’ont jamais été assez puissants pour capturer le halo lumineux qui se dégageait du visage de cet Algérois dans la noirceur de la mondanité parisienne dont il fut prisonnier. Sous la terre d’Algérie, il sera enfin libre.
M. A.-A.
(*) Enfant du pays
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