La vie privée menacée
Par Kamel Moulfi – L’attaque contre le musée du Bardo, mercredi dernier à Tunis, revendiquée par Daech, a renforcé la crainte d’attentats dans d’autres pays de la région, y compris en Europe et notamment en France, au moment où, dans ce dernier pays, une nouvelle loi antiterroriste relative au renseignement est en préparation. En France, le premier impact de cette action criminelle est d’avoir accrédité l’idée de l’urgence, donc faire l’économie d’un débat, pour adopter la loi sur le renseignement. La tentation de restreindre les libertés et de «fouiller» dans la vie privée des gens, en contrôlant leurs communications et leurs déplacements pour assurer la sécurité, qui ressort nettement du projet de loi, a choqué une grande partie de l’opinion publique en France. Ceux qui s’opposent à cette démarche craignent qu’elle ne se transforme en engrenage qui aura pour résultat, avec la mise au second plan de la justice, d’instaurer une plus étroite surveillance d’une catégorie de Français, facilitée par des pouvoirs plus étendus accordés à la police, sans pour étant résoudre le problème de sécurité, c'est-à-dire empêcher des actions terroristes. La première cible de la nouvelle loi française est Internet, considéré, et ce n’est pas faux, comme un moyen parmi les plus importants de radicalisation, de recrutement puis d’incitation à l’acte terroriste, parmi les jeunes «vulnérables» et «insuffisamment protégés» contre les opérations de fanatisation. Selon le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, «90% de ceux qui basculent dans des activités terroristes au sein de l'Union européenne le font après avoir fréquenté Internet». C’était le motif de sa rencontre aux Etats-Unis, au début de ce mois, avec les représentants d'Apple, Google, Facebook, Twitter et Microsoft. Certes, les rédacteurs du projet de loi prennent la précaution de préciser que les dispositions restrictives des libertés ne sont appliquées que «pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme». Mais la prévention devrait aller plus loin, à la source, par la lutte, notamment, contre l’islamophobie qui créé, par réaction, un terrain favorable à la circulation des idées de l’extrémisme religieux, qui précède le passage à l’acte terroriste.
K. M.
Comment (10)
Les commentaires sont fermés.