Jumelage ? Foutaise !
Par M. Aït Amara – Ce sont des images qu’il faudrait publier à la place de cet éditorial. On nous apprend que le gigantesque Shanghai va être jumelé avec une ville algérienne. Laquelle ? Avons-nous encore une ville en Algérie ? Qu’avons-nous fait de l’héritage – oui, l’héritage ! – laissé par la France coloniale, qui a construit – pour ses colons, certes – des métropoles qui furent jadis classées parmi les plus belles au monde ? Qu’avons-nous fait d’Oran, d’Alger, d’Annaba, de Constantine, de Sidi Bel-Abbès le «petit Paris», et de toutes les autres agglomérations pour la récupération desquelles les Algériens ont sacrifié un million et demi d’âmes ? Shanghai jumelée à une ville algérienne ? Sans blague ! Le jardin Yuyuan serait donc gémellé au parc de la Liberté (ex-de Galland) ou celui de Beyrouth (ex-Mont-Riant) devenus des décharges publiques et des pissotières en plein air, des coupe-gorges et des lieux de débauche. Les ponts à haubans Yangpu et Nanpu seraient, eux, jumelés aux passerelles hideuses qui enjambent la rue de l’ALN (une insulte à l’Armée de libération nationale), rouillées, éventrées, désertées. Avec quelles cités-dortoirs algériennes jumeler les nouveaux quartiers d’habitation de Shanghai, symbole de la prospérité chinoise et du développement époustouflant des Chinois travailleurs, dont le pays est devenu la première puissance économique mondiale par la sueur de leur front et par la force de leurs bras ? Et ses anciennes bourgades ceinturées de cours d’eau ? Doit-on les jumeler avec nos villes ancestrales qui tombent en ruine, incapables que nous sommes de les restaurer, de leur rendre leur lustre d’antan ? La Casbah d’Alger, Sidi El-Houari à Oran, la Souika de Constantine et combien d’autres vestiges entrebâillés, abandonnés aux aléas du temps et à l’incivisme et à l’incivilité de l’Homme. La rue piétonne de Nanjing, longue de cinq kilomètres, serait-elle mariée à nos rues aux trottoirs défoncés et au bitume noir, salissant, déprimant, que nous continuons à préférer au pavé qui scintille au moindre rayon de soleil et qui se désencrasse à la première goutte de pluie ? Remettons-nous plutôt au travail et arrêtons de croire que nous sommes le nombril du monde, cependant que nous sommes incapables de ramasser nos poubelles !
M. A.-A.
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