Ils sont partis
Par Kamel Moulfi – Deux rossignols se sont tus : Belkacem Boutedlja et Boudjemâa El-Ankis. Deux maîtres incontestés de la chanson algérienne authentique qui sont décédés presque en même temps à un moment où la dimension culturelle de notre pays est dans une position de grande vulnérabilité face aux quatre vents de la mondialisation. Deux pionniers, chacun dans son genre, l’un dans le profane pour dire les problèmes de la vie ici-bas et l’autre avec une dominante religieuse tournée vers l’au-delà : Belkacem Boutedlja, le père du raï moderne sans qui Khaled ne serait pas ce qu'il est devenu, et Boudjemâa El-Ankis, dont il suffit de dire qu’il est un des derniers maîtres du chaâbi algérois, continuateur d’El-Hadj Mhamed El-Anka, et Hadj Mrizek. Ils ont contribué à sauvegarder la culture populaire et à asseoir des genres typiquement algériens, en marquant la différence nationale, au plan linguistique, dans l’environnement régional et particulièrement dans le monde arabe. Ils partent en pleine tempête déclenchée par la seule idée que la derja (arabe parlé) existe et a droit à la considération chez elle, à travers la place qu’elle occupe dans les classes de l’école primaire où elle entre sans frapper pour accompagner les premiers pas des enfants dans le monde scolaire. La derja, fruit d’une intégration spontanée réussie, autour de l’arabe et du berbère, de divers apports linguistiques étrangers imposés par des colonisateurs, ces deux symboles de la chanson algérienne n’ont pas hésité à s’en emparer. Avec des nuances propres à chaque région du pays, le dialecte algérien a véhiculé les paroles de leurs chansons. Les hommages qui sont rendus dans les médias à Belkacem Bouteldja et à Boudjemâa El-Ankis laissent apparaître le triste sort qui est fait à ces deux artistes du terroir, qui ont préféré rester dans leur proximité, mais dont les œuvres ont traversé les frontières. Que reste-t-il à faire ? Multiplier les écoles de musique dans ces deux genres en constante adaptation, pour le plus grand bien de la culture algérienne.
K. M.
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