La diversion
Par Kamel Moulfi – Comme un ballon de baudruche, exactement, «l’affaire Rebrab», montée de toutes pièces, ça saute aux yeux, a fini, fatalement, par se dégonfler et devenir une plate histoire à dormir debout. En dehors des échos qui parviennent du site où se trouve le complexe industriel de Cevital, Béjaïa, dans le port, la «rue algérienne» est restée indifférente à ce feuilleton malgré les fantasmes portés par la rumeur d’une arrestation – avec ou sans mandat d’arrêt, qu’importe ! – annoncée du patron le plus fortuné du pays. Et si le ballon de baudruche avait pour fonction de sonder la réaction de l’opinion publique à un harcèlement éventuel de Rebrab, ses instigateurs sont bien renseignés et savent à quoi s’en tenir concernant le degré de vulnérabilité de l’homme d’affaires. Mais si cette fiction de «mandat d’arrêt contre Rebrab» devait servir à faire diversion aux vrais problèmes que rencontre la masse des Algériens, c’est raté ; ils ne se sont pas laissé berner. Eux ne se font aucune inquiétude pour le sort de Rebrab, dont ni le présent ni l’avenir ne sont menacés, comme c’est le cas aussi pour cette catégorie de la population, les chanceux qui ont été privilégiés par le «tout-importation» et par les cadeaux apportés avec les investissements publics ou par les facilités accordées aux faux industriels qui se nourrissent eux aussi des importations. Leur angoisse, les Algériens la portent sur la vie quotidienne confrontée déjà aux retombées de la crise. Ils savent qu’ils seront les premières – dans certains cercles, on souhaite qu’ils soient les seules – victimes du manque de prévision dans l’utilisation de la formidable manne financière procurée par les prix très avantageux du pétrole durant de longues années. La tension entraînée par les déclarations officielles à propos de la révision des coûts et des mécanismes de paiement du logement promotionnel public, n’a fait bouger qu’une centaine de personnes concernées, mais elle constitue, en réalité, le signe précurseur du malaise qui va bouleverser les couches moyennes, élément stabilisateur de la société, faut-il le rappeler.
K. M.
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