Dérive ultranationaliste
Par R. Mahmoudi – Les observateurs sont unanimes à qualifier les résultats du premier tour des élections régionales en France d’échec, de sanction et de «revers» pour le Parti socialiste, mais aussi pour toute la classe politique traditionnelle française, en dépit des derniers sondages consacrant la montée de Hollande et de Valls. Ces résultats viennent confirmer l’inanité des discours rassurants de François Hollande et de son gouvernement après les effroyables attentats du 13 novembre dernier, qui ont largement ressuscité les sentiments xénophobes au sein de la population. Des sentiments qui ont, comme d’habitude, profité à l’extrême droite, laquelle s’en saisit pour brandir ses vieux mots d’ordre hostiles à l’immigration, à l’Europe et à l’alignement de la politique étrangère française sur celle de Washington. Pendant la campagne électorale, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a principalement joué sur le sentiment d’insécurité qui est devenu la première préoccupation des Français depuis les attentats, pour exacerber un repli identitaire qui a toujours fait recette en pareilles circonstances. Le PS paie surtout pour les inconséquences fatales de sa politique étrangère, mais également pour ses politiques gouvernementales jugées trop libérales. En effet, le glissement à droite du gouvernement Valls sur de nombreux volets liés à l’intégration, à la liberté d’expression (affaire Dieudonné) est aggravé par les mésaventures cumulées par sa diplomatie depuis l’engagement de l’armée française en Libye, puis au Mali et enfin en Syrie. Si la guerre lancée en grande pompe contre Daech avec l’envoi d’un porte-avions a redonné à François Hollande une certaine aura, cela n’a fait qu’accentuer, chez les Français, les craintes de nouvelles représailles de cette organisation terroriste qui menace la France de nouvelles actions. S’il est vrai aussi que Laurent Fabius tente depuis quelques jours d’esquisser une nouvelle stratégie de la politique française dans le conflit syrien, en souhaitant désormais la participation de l’armée syrienne dans la coalition internationale contre Daech, rien ne prouve que Paris va cesser d’appuyer la rébellion armée dans ce pays et de renoncer à tout soutien aux soulèvements chaotiques dans le monde arabe. Avec cette poussée somme toute attendue de l’extrême droite, François Hollande risque de voir sa marge de manœuvre réduite pour poursuivre ses réformes. Mais, surtout, cela devrait lui inspirer un autre style de gouvernance et, sans doute aussi, d’autres priorités en matière de réformes. Ces réformes, axées sur la quête obsessionnelle de croissance et sur la reconquête du marché international (dont celui de l’armement), risquent d’être occultées par la hantise sécuritaire (état d’urgence, durcissement des dispositifs antiterroristes…). C’est le seul moyen pour lui et son parti d’éviter une nouvelle défaite aux prochaines élections législatives qui s’annoncent capitales pour l’avenir de la gauche, et de s’épargner ainsi une éventuelle cohabitation avec des Républicains plus que jamais déterminés à prendre leur revanche, avec le risque de préparer le terrain à un retour «fatal» du réactionnaire Nicolas Sarkozy à la prochaine présidentielle. Vue sous un autre angle, la déroute des partis traditionnels en France participe d’une tendance plus globale, à travers toute l’Europe, avec tout ce que cela entraîne comme dérive ultranationaliste, qui s’alimente aujourd’hui de la crise migratoire qui est perçue, y compris par les gouvernements sociodémocrates, comme une véritable menace contre leur cohésion interne. Cela dit, il faut attendre les résultats du deuxième tour de ces élections, pour savoir si cette montée du Front national devrait se confirmer. Même s'il sera difficile pour les Français, dans la conjoncture actuelle, de reprendre espoir quelle que soit l'issue des combines électorales qui se tissent entre le PS et les Républicains pour endiguer le FN dans les régions qu'il n'a pas encore raflées.
R. M.
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