Aït-Ahmedomania
Par R. Mahmoudi – Cette vague de sympathie exceptionnelle pour le leader historique Hocine Aït Ahmed, à laquelle on assiste depuis l’annonce de sa disparition, a quelque chose qui relève de la psychologie de masse. Car au-delà de la stupéfaction et du chagrin que provoque la perte d’un grand révolutionnaire qui a nourri, avec d’autres, l’imaginaire collectif des Algériens depuis des générations, on sent chez les Algériens aujourd’hui, à travers leurs commentaires qui inondent les réseaux spéciaux, comme un besoin refoulé d’un père de la nation. Un besoin urgent qui s’expliquerait par un manque d’affection qui s’est accumulé pendant des années et menace de déborder en bouffée de violence. Un besoin que ne fait qu’aggraver l’absence du chef de l’Etat de la scène et, donc, de cet imaginaire collectif. C’est pourquoi cet élan de sympathie qui a gagné même les supporters de football – qui sont un véritable baromètre de l’état psychologique d’un peuple – est quelque peu mal vécu par les partisans «officiels» du Président, lesquels verraient d’un mauvais œil qu’un autre père de la nation vienne se substituer dans l’imaginaire des Algériens à l’image qu’ils s’escriment à construire et à entretenir depuis au moins deux ans du président Bouteflika, réduit au silence à cause de sa maladie. Alors, pour eux, la meilleure façon d’atténuer les ravages de cette «Aït-Ahmedomania» qui s’est emparée des jeunes, c’est de l’accompagner et de faire dans l’excès de zèle, comme l’a fait l’inénarrable secrétaire général du FLN, en versant des larmes devant la caméra pour exprimer son affliction et en faisant, au nom de ses pairs, son mea culpa pour tout ce qui a été dit d’incongru sur Aït Ahmed. La décision de décréter un deuil de huit jours par chef de l’Etat pour le défunt participe de cette hantise qui va durer encore une semaine.
R. M.
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