Quand le peuple juge…
Par Youcef Benzatat – C’était une journée comme une autre dans les rues d’Alger, si ce n’était Chakib Khelil qui fut aperçu à l’intérieur d’une voiture par un groupe de passants. Des passants qui passent en longueur de journée, comme dans toutes les rues des villes algériennes, transformées depuis l’indépendance en une immense salle d’attente dans laquelle ils attendent un train dont la destination leur est inconnue. Une salle d’attente où chaque passant essaye de se débattre comme il peut avec le rond-point qu’est devenue sa tête. Lorsque Chakib Khelil leur apparut dans le cortège, tel un diable rouge dénudé, l’histoire semble s’être soudainement arrêtée pour eux ! Les passants qu’ils étaient, qui passaient autrefois nonchalants, absents à eux-mêmes et à leur environnement, la tête plongée dans un profond brouillard dans lequel tournait indéfiniment le rond-point de leur destin, se figèrent soudainement, oubliant un instant les chaussures de foot qui leur collaient à la tête, devenues instantanément étroites pour leurs pieds érodés à force de marcher. Leur tête avait quitté brusquement le rond-point où ils étaient emprisonnés ! Ils se mirent à regarder dans la même direction et à fixer le véhicule qui traversait la rue. Le véhicule n’était pas anodin ; son allure arrogante et chargée de mépris leur passa sous le nez, comme pour narguer les passants voyageurs sans destination connue qu’ils étaient. Qui a dit que le peuple n’existait pas ? Ils coururent derrière sa voiture qui filait à toute allure, criant «Chakib Khelil est dans la voiture, le voleur est là, il faut le juger !» Oui, que le peuple existe, en voici la preuve, tant que le gourdin est hors de portée de nuire, pendant ce moment volé à la vigilance des cerbères carnassiers. Tant que les baltaguia n’ont pas encore été lâchés, tels des chiens de chasse en campagne autour de leur maître nourricier. Oui, le peuple a reconnu son voleur. Le voleur de sa justice, tôt confisquée.
Y. B.
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