Le Makhzen passe ses nerfs sur Zuma
Par Khider Cherif – Revenu bredouille de son récent périple africain, au cours duquel il a échoué sur toute la ligne à rallier à sa cause les pays pro-sahraouis, le roi Mohammed VI a décidé de passer ses nerfs sur l’Algérie et Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la commission de l’Union africaine. Pour faire oublier ses échecs à répétition à réunir le quorum requis pour son adhésion à l’Union africaine, le souverain marocain – qui pensait sans doute y entrer comme on entre dans un moulin – accuse depuis mercredi, dans une grotesque diversion digne des films de série B, le gouvernement algérien et l’ancienne ministre sud-africaine des Affaires étrangères de chercher à faire obstruction à sa démarche.
Et c’est son ministère des Affaires étrangères qu’il a chargé d’exécuter cette ignoble et basse besogne. Dans un communiqué alambiqué adressé à ses sous-traitants médiatiques locaux et internationaux habituels qu’il rémunère grassement, le ministère des Affaires étrangères marocain, visiblement à court d’arguments, n’a rien trouvé de mieux à dire que de reprocher à Nkosazana Dlamini-Zuma d’«avoir retardé, de manière injustifiée, la diffusion de la demande du Maroc aux membres de l’UA». Il ne manquerait plus que le Maroc – qui a dépensé ces dernières années des sommes colossales pour saper le travail de l’Union africaine – exige de Mme Zuma qu’elle règle l’horloge de sa commission sur celle du royaume du Maroc. Comme si elle n’avait que cela à faire.
Considérant visiblement les fonctionnaires de l’UA pour des sujets marocains, le ministère des Affaires étrangères marocain, toujours à court d’arguments, en remet une couche en déniant à Mme Zuma le droit de lui demander «un engagement par écrit par lequel il accepte explicitement les valeurs et les principes de l’UA dont le respect des frontières héritées du colonialisme et la ratification de l’acte constitutif». Bien évidemment, l’Algérie – c’est devenu une habitude ! – est frontalement accusée au passage d’avoir soufflé dans l’oreille de la présidente de la commission de l’UA la conduite à tenir et de faire la pluie et le beau temps en Afrique.
Fondamentalement, en quoi la demande de Mme Zuma peut-elle déranger le Makhzen ? Après tout, c’est le minimum qui puisse être demandé à un pays qui a toujours soutenu les projets coloniaux en Afrique. Si le Maroc n’était pas animé d’une mauvaise volonté en voulant adhérer à l’UA, il n’aurait certainement trouvé aucun inconvénient à signer des dix doigts l’acte constitutif de l’organisation. Il n’y a d’ailleurs pas plus nobles valeurs que celles portées et défendues par l’UA.
Mais voilà, en réagissant d’une manière aussi ridicule qu’intempestive, le roi du Maroc se découvre et prouve encore une fois, si besoin est, que son «rêve d’UA» et son souhait d’intégrer la grande famille africaine n’obéit qu’à un seul calcul : celui d’évincer, un jour ou l’autre, la République arabe sahraouie démocratique de l’organisation panafricaine et de faire de l’ombre à l’Algérie. Sa réaction ne surprend pas du reste. La haine du Makhzen pour l’Algérie n’a pas d’égal. Cette fois, l’ironie du sort a fait qu’il soit pris dans son propre piège.
L’Union africaine et les dirigeants africains sont donc avertis. Le Maroc n’a pas l’intention une seconde d’enterrer ses projets expansionnistes. S’ils ne prennent pas les précautions nécessaires pour s’assurer que le Maroc ne deviendra pas le loup qui les dévorera tous une fois que les portes de l’UA lui seront ouvertes, il est à parier que la carte de l’Afrique changera vite… dans le sang et les larmes.
K. C.
Comment (16)
Les commentaires sont fermés.