L’avocat Serge Pautot : «La France a toujours eu du mal à assumer son héritage colonial»
L’avocat français Serge Pautot estime qu’en dehors du sport, un adolescent issu de l’immigration ne dispose d’aucun autre espace pour s’exprimer. «Nous savons aujourd’hui où se tourne une partie de cette jeunesse pour s’exprimer et trouver ce qu’elle croit être un idéal. On découvre chaque jour les résultats de cette politique d’exclusion et la lutte des pouvoirs publics contre la radicalisation qui en découle», lâche-t-il dans une allusion à la radicalisation de nombreux jeunes issus de l’immigration.
Serge Pautot a été interviewé par le journaliste Pascal Boniface, à l’occasion de la parution de son livre France-Algérie : du côté des deux rives aux éditions L’Harmattan.
En abordant la relation de la France avec l’islam, à la lumière du contexte sécuritaire tendu en ce moment dans l’Hexagone, l’avocat déclare que «nos gouvernants se sont privés d’une véritable réflexion sur leur conception de la pratique religieuse et de la laïcité». Il considère qu’avec la présence de plus de dix millions de musulmans sur son sol, la France «ne peut plus proposer sa propre culture et rejeter toutes les pratiques, us et coutumes de l’islam».
Par ailleurs, Serge Pautot avoue que la France a toujours du mal à assumer son héritage colonial. Par ailleurs, il considère que le recours intempestif au concept de la laïcité et le calque de l’église catholique pour traiter les problèmes culturels et cultuels qui se posent à la république, au lieu de chercher des solutions concrètes, ne concoure pas à l’avènement d’une relation apaisée avec la communauté musulmane de France.
Serge Pautot ne qualifie pas la colonisation de «crime contre l’humanité». Il préfère parler de «système inégalitaire qui ne pouvait aboutir, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qu’à une lutte pour l’indépendance». L’avocat marseillais note que les Accords d’Evian signés en 1962 «n’ont pas tous été exécutés ‘‘à la lettre’’». Il remet au goût du jour les différentes réclamations des pieds-noirs, notamment celles relatives aux biens laissés vacants à l’indépendance, la décision de l’Algérie de nationaliser son pétrole et son gaz qu’il qualifie d’«unilatérale», ainsi que l’indemnisation des victimes des essais nucléaires au Sahara qui demeure en instance.
Sur la période de l’indépendance nationale, l’avocat n’a pas été tendre avec l’Algérie à qui il reproche notamment sa décision souveraine de l’arabisation de l’enseignement, «au détriment du français», selon lui, les querelles politiques et diplomatiques (Maroc-Algérie) et l’instauration du 49/51 dans les relations de partenariat économique.
L’avocat français a qualifié, par ailleurs, de «passionnelles/frictionnelles» les relations algéro-françaises, notamment sur le plan de la coopération militaire, sécuritaire et de défense dans le Sahel, «même si celle-ci est aujourd’hui forte», précise-t-il.
Citant les grands champions du football, comme Rachid Mekhloufi et Rabah Madjer qui ont joué en France, Serge Pautot considère que le sport est un moyen pour la jeunesse issue de l’immigration «de promotion sociale et d’affirmation de soi». Et de citer le parcours de Zinedine Zidane pour rappeler que «le sport est facteur de rapprochement». A ce propos, Serge Pautot propose aux deux fédérations de football d’organiser un nouveau match amical entre les deux équipes.
Ramdane Yacine
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