Une vidéo du militant Zefzafi humilié en prison attise la colère des Marocains
Des médias marocains ont comparé l’affaire de la vidéo de Nasser Zefzafi à la diffusion par les services américains d’images de l’exécution par pendaison de Saddam Hussein en 2007 ou de photos de prisonniers maltraités par leurs geôliers dans la prison d’Abou Ghrib en Irak (2004).
En le montrant nu, sous prétexte de prouver qu’il n’y a aucune trace de torture sur le corps de Zefzafi, l’intention des services marocains de l’humilier est évidente. Il est clair que leur but est de déconsidérer le militant du Rif auprès de la masse de ses partisans pour tenter d’en finir avec le mouvement de contestation qui a pris racine depuis quelques semaines dans cette région connue pour être marginalisée par le Makhzen, sans doute à cause de son irrédentisme légendaire.
Si l’émotion provoquée par cette vidéo parmi la population du Rif est d’une sincérité indéniable, il y a, par contre, toutes les raisons de douter des réactions exprimées dans les milieux officiels marocains, à travers notamment les déclarations de quelques ministres qui ont fait part de leur colère et leur désapprobation. En appelant à une enquête pour faire la lumière sur l’origine de la vidéo dont ils reconnaissent que le contenu comporte une atteinte à la dignité de Zefzafi, ces mêmes milieux veulent laisser croire qu’ils ignorent les circonstances dans lesquelles les images ont été filmées et qui est derrière leur diffusion. Ils veulent faire croire, en même temps, à l’opinion publique marocaine qui soutient le mouvement du Rif que la préoccupation des droits de l’Homme est prise en compte par le pouvoir.
Le directeur de la prison où se trouvait détenu le leader de la contestation rifaine a exclu que le film ait été tourné dans ses locaux. C’est une façon d’accréditer l’idée que la vidéo n’a pas été produite dans un cadre légal et que les autorités n’y sont pour rien. En fait, l’opération visant à porter atteinte à Zefzafi pour réduire son autorité morale dans la population rifaine, lui ôter la qualité de symbole de la contestation rifaine et donc toute capacité à continuer à la diriger a tourné court. Cette opération concoctée par le Makhzen a été transformée en tentative de récupération de la forte émotion créée par la diffusion de la vidéo pour en faire un instrument de diversion et de propagande sur la prétendue volonté des autorités marocaines de combattre les mauvais traitements infligés aux prisonniers.
Depuis quelques mois, un mouvement de contestation populaire appelée le «Hirak» (agitation, mouvement) secoue la région du Rif, au nord du Maroc, avec comme principale revendication le développement local qui sortirait sa population de la misère. Des manifestations quotidiennes dans la ville d’Al-Hoceïma et la localité voisine d’Imzouren ont eu lieu, marquées par des affrontements violents et fréquents avec la police. Les manifestations ont baissé d’intensité après le retrait des forces de répression. Mais cela est surtout consécutif à la décapitation des principaux dirigeants du mouvement, dont Zefzafi, qui ont été arrêtés par la police. Au total, ce sont au moins 176 personnes qui ont été placées en détention préventive, depuis la fin du mois de mai, selon le bilan contestable donné par les autorités.
Le procès de Nasser Zefzafi a débuté ce lundi devant les juges de la chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca. Il est accusé notamment d’«atteinte à la sécurité intérieure». La population du Rif, soutenue par un large mouvement de solidarité dans tout le Maroc, exige sa libération et celle des autres détenus.
Houari Achouri
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