Wahhabisme et terrorisme : Riyad veut corrompre des journalistes occidentaux
Par Sadek Sahraoui – Les autorités saoudiennes mènent actuellement une campagne agressive auprès des médias occidentaux, particulièrement européens, afin de faire passer l’idée que le royaume wahhabite se développe, bouge et que ses décideurs n’ont rien à voir avec le terrorisme.
En France, le bureau culturel de l’Arabie Saoudite à Paris a été instruit notamment de travailler au corps les journalistes de la télévision France24 et des quotidiens Le Monde et Libération. Certains correspondants de médias belges sont aussi concernés par l’opération. Le responsable de cette structure rattachée à l’ambassade de l’Arabie Saoudite à Paris s’est exécuté et a décidé d’envoyer, dans un premier temps, une salve de mails dans lesquels il suggère aux employés de tous ces médias, dont Marc Perelman, journaliste du site France 24, d’éviter l’emploi du mot «wahhabisme» et de ne pas lier l’Arabie Saoudite au terrorisme, à l’extrémisme et aux attaques terroristes sur les sites de presse.
Le fonctionnaire saoudien explique également dans sa correspondance accueillie avec effroi par les rédactions du Monde, de Libération et de France24 le sens du «wahhabisme» et montre qu’il n’y a aucun lien entre le wahhabisme, le terrorisme et l’extrémisme. Connus pour dégainer leur chéquier à chaque fois qu’un problème se présente à eux, le chef du bureau culturel saoudien à Paris n’a pas dérogé à la règle. Il a carrément proposé à Marc Perelman de travailler pour l’Arabie Saoudite.
Le deal ? Il était attendu du journaliste de France24 qu’il consacre un peu de son temps précieux à informer ses confrères français et belges des subtilités sémantiques du terme wahhabite et qu’il dresse, dans la mesure du possible, un bilan positif du début de règne du roi Salmane. La «pige» était payée à 15 000 dollars… En essayant de corrompre des journalistes, les Saoudiens tentent en réalité de cacher la vérité sur leur soutien au terrorisme et de faire oublier que l’Arabie Saoudite est le moteur de l’islam radical. Mais ce soutien est un secret de Polichinelle. Tout le monde sait que Riyad finance les groupes terroristes.
Selon plusieurs câbles diplomatiques américains qui ont fuité dans la presse et les révélations concernant l’affaire des «emails» de la candidate démocrate à la Maison-Blanche Hillary Clinton, Daech et Al-Qaïda ont bénéficié tous les deux de la manne financière saoudienne. Parmi les courriels rendus publics l’automne dernier figure, par exemple, un email daté du 17 août 2014 dans lequel celle qui fut secrétaire d’Etat entre 2009 à 2013 pointe clairement le rôle du Qatar et de l’Arabie Saoudite dans l’expansion, entre autres, de Daech.
«Nous devons utiliser notre diplomatie et profiter des atouts de nos services de renseignement pour mettre sous pression les gouvernements du Qatar et de l’Arabie Saoudite, écrit-elle, qui fournissent un soutien financier et logistique à Daech et à d’autres groupes radicaux dans la région.» Une critique que la candidate avait d’ailleurs formulée publiquement en pleine campagne, en juin 2016, au lendemain de l’attentat d’Orlando. «Il est plus que temps que les Saoudiens, les Qataris, les Koweïtiens et d’autres empêchent leurs ressortissants de financer des organisations extrémistes», avait-elle déclaré dans un discours à Cleveland, dans l’Ohio.
Les accusations qui n’étaient pas nouvelles. En 2009 déjà, les services de la secrétaire d’Etat faisaient état du problème, d’après une note secrète révélée par Wikileaks. «Les donateurs en Arabie Saoudite constituent la plus importante source de financement des groupes terroristes sunnites à travers le monde», lit-on dans ladite note.
S. S.
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