Yémen : Houthis et pro-Saleh enterrent la hache de guerre
Par Sadek Sahraoui – Les dirigeants de la milice houthie et les partisans de l’ancien président Ali Abdallah Saleh ont conclu mardi soir un accord visant à apaiser les tensions entre leurs forces. Samedi soir, une fusillade avait opposé, rappelle-t-on, des combattants des deux camps à un check-point installé par les Houthis près du domicile du fils de Saleh à Sanaa. Deux miliciens chiites ont été tués ainsi qu’un colonel de l’armée favorable à Saleh.
Des délégations des deux camps, qui se sont rencontrées lundi dans la capitale yéménite, ont décidé de supprimer «toutes les causes de tensions survenues à Sanaa et de revenir à la situation sécuritaire antérieure», selon un communiqué commun aux factions. Houthistes et partisans de Saleh dirigent conjointement les territoires du nord du Yémen qu’ils contrôlent depuis trois ans et luttent contre le gouvernement reconnu par la communauté internationale, basé dans le Sud et soutenu depuis deux ans et demi par une coalition arabe sous conduite saoudienne. Mais leur alliance reste fragile. Un rassemblement organisé jeudi par le parti de l’ancien Président a suscité la colère des miliciens houthis, qui y ont vu une démonstration de force hostile.
Plongé dans la guerre depuis plus de deux ans, le Yémen fait face aujourd’hui par ailleurs à un risque de famine doublé d’une épidémie de choléra. Cette crise humanitaire peine à mobiliser la communauté internationale. 124 000 cas suspects ont été détectés en six semaines, et 923 décès sont à déplorer. Le virus est désormais présent dans 20 des 22 provinces du pays. «La situation risque de s’aggraver davantage à l’approche de la saison des pluies et en raison d’une malnutrition généralisée et de la faim», prévient l’ONU. Le 19 mai dernier, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a dit craindre jusqu’à 250 000 cas dans les six mois.
La guerre a détruit les infrastructures du pays. «L’effondrement des systèmes d’assainissement et d’approvisionnement en eau, les hôpitaux à peine fonctionnels et l’économie privée de liquidités font que 27,7 millions de Yéménites font face à une catastrophe humanitaire implacable», explique Bismarck Swangin, responsable de la communication pour l’Unicef au Yémen. «Les centres de santé ont cessé de fonctionner soit parce qu’ils ont été endommagés, soit parce qu’ils sont arrivés à cours de carburant et de fournitures, ou encore parce que les employés ont fui», détaille-t-il.
Pourtant, ces établissements doivent faire face à un très large afflux de patients qui viennent des quatre coins du pays. «Les enfants, qui sont les plus vulnérables, sont parfois traités à même le sol. Beaucoup sont dans un état critique», poursuit Bismark Swangin. «Pour ne rien arranger, il y a une pénurie de médecins et d’infirmiers, dont beaucoup n’ont pas été payés depuis 9 mois.» Autant dire que c’est l’enfer sur terre.
S. S.