De la peine de mort à la mort des peines
Par Mesloub Khider – Régulièrement, au lendemain de la mort atroce d’une victime innocente assassinée par quelque meurtrier égaré ou déséquilibré, des voix s’élèvent pour réclamer la peine de mort, autrement dit sa mise à mort autorisée et légale. Ils veulent ainsi appliquer la loi du Talion. Paradoxalement, ces mêmes bonnes âmes s’accommodent sereinement des morts, des massacres provoqués par la misère, les famines, les guerres… Ils ne s’indignent jamais, encore moins, ne demandent pas la tête des criminels responsables des famines et des guerres.
Je leur conseillerai qu’au lieu de vous improviser justiciers pour assouvir, par bourreau interposé, vos instincts meurtriers afin de venger la mort de pauvres victimes, vous devriez plutôt réserver votre colère, vos ressentiments, votre haine à des causes plus nobles, plus légitimes. En effet, la revendication de la peine de mort est l’œuvre d’âmes viles et serviles. On n’ôte pas la vie de quelqu’un parce qu’il a eu la faiblesse de succomber au meurtre. En outre, jamais la peine de mort n’a fait cesser les meurtres. Comme l’a écrit Rachid Boudjedra dans une de ses chronique : «Exécuter un criminel, c’est faire comme lui, c’est se déshumaniser quelque part et finir par lui ressembler. Mais ce qui est important, c’est de se demander : pourquoi notre société produit-elle de tels monstres ?» Alors, au lieu de la peine de mort, imposons la mort des peines.
L’exigence de la mort des peines, en revanche, doit seule occuper et guider nos cœurs nobles. Par peines, j’entends toutes les peines que ce système capitaliste nous fait endurer. Peines subies à cause du chômage, de la misère, des fins de mois difficiles, des conditions de travail dégradées et dégradantes, de l’angoisse face à un avenir incertain, de l’oppression, de l’exploitation, du délitement du lien social, de la déliquescence des valeurs, des guerres perpétuelles, des terrorismes, etc. Ce sont ces peines-là qu’il faut condamner devant le tribunal de l’Humanité souffrante et opprimée. Et s’il y a une justice à appliquer, c’est contre tous les responsables de nos malheurs. Et s’il y a une peine de mort à infliger, c’est contre tous les dirigeants du pouvoir qu’il faut l’exercer s’ils s’obstinent à perpétuer leur système inique.
Et par peine de mort, j’entends la mise à mort de leur système oppressif, ce système capitaliste au nom duquel ils nous dominent, nous exploitent. Ce n’est point contre leur personne. Car la force de la majorité de la masse opprimée une fois levée comme un seul homme, grâce à sa combativité et à sa conscience, n’éprouvera aucune utilité d’exercer la violence contre ses ennemis devenus insignifiants. Ils s’effaceront d’eux-mêmes de l’Histoire. Alors, épargnez votre énergie, votre force, votre combativité. Exercez-la le moment venu pour guillotiner ce système !
M. K.
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