Non à l’amnésie !
Par R. Mahmoudi – La diffusion par la télévision nationale d’un court documentaire rappelant la violence des années 1990 a tout d’un coup mis en émoi partis politiques et commentateurs de presse, lesquels, au nom d’une étrange idée de l’éthique, jugent incongru de montrer aujourd’hui des scènes aussi horribles, comme s’il fallait continuer à refouler un mal qui n’aurait pas dû refaire surface.
Ce serait faire une offense au citoyen que de croire qu’il serait naïf et que le pouvoir pourrait le manipuler à travers une stratégie de la terreur, qu’il aurait résumée dans un spot audiovisuel d’un peu plus de cinq minutes. L’Algérien n’est pas cet animal réagissant selon le fameux réflexe pavlovien, pour espérer le conditionner par une simple opération médiatique ou par un effet magique aussi intense soit-il.
Quant à croire que le pouvoir serait niais à ce point en voulant raviver de douloureux souvenirs pour on ne sait quel dessein machiavélique (les commentateurs ulcérés parlent d’un acte de «chantage politique»), cela relève tout simplement du fantasme. Car, si tel était la volonté des concepteurs du court documentaire diffusé par l’ENTV, ils auraient pu imaginer des émissions entières et mobiliser des moyens plus importants.
Du coup, cette soudaine levée de boucliers nous pousse à nous interroger sérieusement : qui veut occulter les atrocités commises par les sanguinaires du GIA durant la décennie noire ? Qui a intérêt à entretenir les illusions et les mensonges sur ces événements tragiques qui ont failli effacer l’Algérie de l’existence et qui ont laissé des séquelles indélébiles ? D’habitude, seuls les partisans de l’ex-FIS s’offusquaient de (re)voir les images odieuses de leurs crimes montrées au public. Aujourd’hui, nous avons bien l’impression que la culture de l’amnésie a gagné des segments de la classe politique que nous croyions immunisés contre de pareilles abjurations.
R. M.
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