Khadra à Boudjedra : «Tu te terrais à Paris quand je traquais les terroristes»
Par Karim Bouali – Le torchon brûle entre Yasmina Khadra et Rachid Boudjedra. L’auteur des Agneaux du seigneur a répondu dans des termes acerbes à ce qu’il qualifie de «diatribes». «Je sais que tu crèves d’envie que je réagisse à tes diatribes, persuadé que mon mépris te martyriserait moins que mon silence. Qu’à cela ne tienne. Puisse mon mépris te toucher comme une grâce et t’éveiller au ridicule dans lequel tu te complais comme le ver dans le fruit», fulmine l’écrivain installé en France.
«Tu dis que je ne suis pas un écrivain. C’est ton droit. Pourquoi te faut-il en souffrir ? Tu as voulu semer le doute au sein de ma famille. Raté. J’ai la chance d’avoir épousé la plus merveilleuse des femmes. Tu me traites de bougnoule de service ? Sache que je suis boycotté par l’ensemble des institutions littéraires de France depuis 2008. Tu contestes mon algérianité ? Je te rappelle que lorsque tu te terrais à Paris, durant la décennie noire, je menais une guerre atroce dans les maquis terroristes. Sans mes compagnons de combat et mes milliers de morts, jamais tu n’aurais remis les pieds en Algérie», a encore écrit Yasmina Khadra, Mohamed Mouleshoul de son vrai nom et ancien officier de l’ANP.
L’ancien directeur du Centre culturel algérien à Paris répond à l’auteur de L’Escargot, en le tutoyant : «Détrompe-toi, Rachid. Je ne suis qu’un romancier qui s’évertue à mériter l’intérêt de ses lecteurs. Sans fard, ni fanfare. Sans polémiques, ni la moindre agressivité. Je travaille dur, tu sais ? Personne ne me fait de cadeau.». Et, sur un ton altier, il rappelle à Boudjedra que «ce n’est pas un hasard si [je] demeure, à ce jour, l’écrivain algérien le plus lu en Algérie, l’écrivain maghrébin le plus lu au Maghreb, l’écrivain araberbère le plus traduit (50 pays) et le plus apprécié (10 millions de lecteurs) dans le monde».
Yasmina Khadra conseille à Rachid Boudjedra de «soigner» ses textes «au lieu de passer [ton] temps à traîner dans la boue les étoiles du ciel».
«Notre pays a trop souffert des jalousies crétines et des anathèmes. Nos enfants attendent de voir en leurs génies les aurores boréales qui manquent à leur horizon. Aucun pays ne peut s’émanciper sans mythes, et aucune jeunesse ne peut forcir sans idoles. Si notre pays n’en dispose pas, créons-les de toutes pièces comme font les nations fières de leur culture au lieu de nous empresser de décapiter toute tête qui émerge», a conclu l’écrivain qui s’est dit «chagriné» par le comportement de Boudjedra à son égard.
K. B.
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