La vérité sur le limogeage de milliers d’imams par le régime saoudien
Par Houari Achouri – Surprenant ! L’Arabie Saoudite, qui a toujours encouragé et alimenté l’agitation des islamistes dans les autres pays musulmans et partout là où il y a une forte communauté musulmane, se met à faire la chasse à ses imams subversifs.
Il faut croire que le feu qui couve dans la maison Al-Saoud est annonciateur de risques dévastateurs sur ce régime dynastique, pour que la famille régnante se lance dans une purge parmi son personnel religieux sans précédent dans son histoire.
Que cache cette «chasse aux sorcières» ? En fait, les imams mis à l’ombre n’ont pas été écartés parce qu’ils véhiculent un discours extrémiste, mais parce que les Saoudiens commencent à se révolter contre le régime dictatorial des Al-Saoud. Voilà la vérité. La preuve, il n’y a pas que ces imams qui font l’objet du courroux du roi et de l’acharnement de ses forces répressives ; il a placé dans son collimateur tout ce que l’Arabie Saoudite compte comme contestataires : les écrivains, les poètes, les activistes des réseaux sociaux, les défenseurs des droits de l’Homme et jusqu’aux économistes, dit-on, qui pensaient pouvoir, sans rien craindre, critiquer le régime des Al Saoud. Ils se retrouvent tous dans les prisons d’Arabie Saoudite.
L’explication est à trouver dans la situation économique et sociale explosive qui s’est installée durablement dans le royaume saoudien après la chute drastique des cours du pétrole depuis l’été 2014, qui l’a privé de la manne financière qui lui permettait de faire régner la paix sociale. L’Arabie Saoudite connaît, en effet, les plus grosses difficultés financières de son existence, au point où, confronté à des problèmes de trésorerie, le royaume a été contraint de différer certains paiements.
Avec l’épuisement des moyens de maintenir l’Etat-providence, c’est toute la société saoudienne qui est déstabilisée.
Un appel avait été lancé pour organiser, vendredi 15 septembre, des manifestations pour protester de manière pacifique contre la dégradation des conditions de vie, le chômage et les violations des droits de l’Homme. Un dispositif répressif préventif impressionnant a empêché ces manifestations. Mais il est sûr que les organisateurs tenteront une autre fois de mettre dans la rue la masse de la population qui a été toujours laissée pour compte.
Le danger ne vient pas seulement des manifestations de rue pacifiques. Ce samedi, deux gardes saoudiens ont été tués par balle et trois ont été blessés dans une attaque armée contre le palais royal à Djeddah, alors que le roi Salman se trouvait à l’étranger, en visite d’Etat en Russie.
Les projets du roi risquent de mécontenter ses alliés parmi les dignitaires religieux. On a entendu parler du projet de développer, sur les rives de la mer Rouge, des stations balnéaires haut de gamme, qui seraient dotées d’un statut juridique à part, aligné sur les standards internationaux et destinées uniquement aux touristes étrangers. Est-ce à dire que les interdits du wahhabisme seront levés pour permettre aux touristes, femmes et hommes, de se comporter comme dans ces pays occidentaux que les prêches des imams saoudiens ne cessent de fustiger ?
De l’extérieur également, les pressions ne manquent pas. Ce vendredi, l’ONU a inscrit pour la première fois le nom de l’Arabie Saoudite – qui dirige la coalition militaire au Yémen – dans son rapport sur les enfants dans les conflits armés. L’Arabie Saoudite est désignée comme responsable du meurtre d’enfants, plus précisément de la mort de 683 enfants dans les bombardements d’école ou d’hôpitaux. On se rappelle que l’année dernière, l’Arabie Saoudite avait figuré sur cette liste avant d’en être retirée sous la pression financière de Riyad.
H. A.
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