La Kabylie orientale, cette inconnue
Par Rabah Toubal – Dans un ouvrage attrayant de la première à la dernière page, jusques et y compris à la bibliographie, remarquablement bien écrit et solidement documenté, l’historien algérien Hosni Kitouni rend un vibrant et émouvant hommage à une région de notre immense et beau pays, dont l’histoire reste encore peu connue de la majorité des Algériens et Algériennes.
Descendant de natifs de cette région, qui englobe l’ensemble Zouagha-Ferdjioua-Vallée d’Oued El Kébir, «qui n’a plus de nom aujourd’hui» car elle fut, pour les besoins de l’armée et de l’administration coloniales, «une fiction ethnographique», rendue caduque après la conquête, l’auteur a voulu, au prix de recherches considérables, rendre justice à la terre de ses ancêtres, la «Kabylie orientale» ou «Kabaile El Had’ra», longtemps traduite de manière erronée en français par «Petite Kabylie» ou «Basse Kabylie», comparativement à la «Grande Kabylie » ou «Kbaile Ennighass», berbérophone, au lieu de «Kabylie civilisée» ou «Kabylie urbanisée». La Kabylie orientale s’étend de la moitié est de la presqu’île de Ziama-Mansouriah aux monts de l’Edough, près d’Annaba, avec une profondeur de 100 km vers les côtes de la mer Méditerranée.
Guide éminemment éclairé et motivé, et pour cause ! Hosni Kitouni égrène et dissèque les événements marquants vécus par «ce berceau d’une longue et tumultueuse histoire», de l’Antiquité à l’occupation française, en passant par les occupations romaine, vandale, byzantine, arabe, kutamienne et turque, qui y ont , plus ou moins, laissé des empreintes indélébiles et de nombreux vestiges.
Contrairement donc à la Kabylie berbérophone, géographiquement plus grande et plus peuplée, la Kabylie orientale revendique et assume son arabité et ne cache pas sa gêne vis-à-vis de son amazighité lointaine. Cet ouvrage relate l’histoire d’un pays et d’hommes, «depuis longtemps livrés à l’oubli, sinon au dédain», voire même au déni, que Hosni Kitouni nous invite à découvrir, à travers les «péripéties, les grands drames et les revers multiples» qu’ils avaient subis, au gré de leur longue Histoire.
Pour ce faire, il fait de la date du 13 mai 1839, année de l’occupation française de Jijel, le début du compte à rebours de plus de quinze siècles d’histoire, détruits en quarante ans au nom de la «civilisation». «Les crimes coloniaux accomplis en Kabylie orientale l’ont été avec une telle barbarie et une telle haine qu’il est insoutenable d’en évoquer même le souvenir», constate Kitouni.
A ce titre, son livre, qui constitue un excellent travail de mémoire, vise, autant que faire se peut, à réparer une injustice qui a trop duré, en rendant hommage et justice à cette région de notre pays qui a subi les foudres du colonialisme pour avoir osé le braver, lui tenir tête et, à plusieurs reprises, l’avoir humilié et finalement vaincu, malgré les moyens disproportionnés des protagonistes.
Mission accomplie M. Kitouni !
R. T.
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