Harraga légale
Par Kamel Moulfi – Un fait inhabituel s’est passé hier à Alger et l’information qui l’a rapporté était en continu sur les réseaux sociaux et les sites électroniques, photos à l’appui. Le spectacle qui s’est déroulé aux abords de l’Institut français d’Alger (IFA) avait, dès le matin, intrigué les passants : des centaines de jeunes, étudiants, a-t-on appris, filles et garçons mêlés, ont littéralement pris d’assaut les locaux de l’IFA. Dans quel but ? Juste prendre rendez-vous afin de passer un test de connaissances de français (TCF). Pourquoi ? Tout simplement, parce que ce passage par le TCF est obligatoire pour l’obtention du visa étudiant, mais – c’est sans doute là le secret de cette affluence hors normes – pas uniquement : le TCF sert également pour le visa ordinaire.
Toute cette foule amassée aux portes de l’IFA était-elle composée exclusivement d’étudiants ? Rien n’est moins sûr. Les jeunes Algériens, ce n’est un secret pour personne, sont nombreux à vouloir quitter le pays et la première destination qui s’offre à eux, presque de façon naturelle, pour des raisons que personne n’ignore, est la France où ils espèrent profiter d’une vie plus confortable que celle qu’ils endurent en Algérie. Le visa étudiant leur épargne la harga, c’est-à-dire l’émigration clandestine.
Pourquoi cette ruée vers «ailleurs» ? La réponse est évidente : face aux discours du gouvernement, passant de paroles mielleuses et rassurantes sur «la crise qui ne touche pas l’Algérie» à des propos carrément défaitistes et alarmistes à propos de «salaires qui risquent de ne pas être versés», comme si chaque Premier ministre avait sa propre perception d’une même réalité exprimée dans deux versions opposées et aussi peu crédibles l’une que l’autre, que reste-t-il aux jeunes ?
Majoritairement démobilisés par ce discours officiel quand ils l’écoutent et surtout par les pratiques de ceux qui sont dans le pouvoir, à quelque niveau que ce soit, les jeunes croient trouver la solution, adaptée au contexte du «chacun pour soi», dans la harga classique, à bord d’une embarcation de fortune, ou masquée par un vrai visa d’étudiant.
K. M.
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