Que gagne l’Algérie à maintenir ses relations avec les pays du Golfe ?
Par R. Mahmoudi – Les récents déballages de l’ex-Premier ministre qatari, Hamad Ben Jassam, diffusés par une chaîne de télévision publique locale, nous interpellent. L’Algérie, étant directement impactée par les manœuvres malsaines de certains pays du Golfe, doit-elle et peut-elle faire semblant de croire encore à une possible «fraternité» avec ces monarchies hostiles qui n’ont de cesse d’entretenir tous les foyers de tension et de financer les médias et ONG malveillants ?
Dans ses aveux, Hamad Bin Jassem reconnaît l’implication totale du gouvernement de son pays dans l’embrasement de la région et dans le soutien aux groupes terroristes, notamment en Syrie. Il révèle que dès que tout a commencé en Syrie, il s’est rendu en Arabie Saoudite à la demande du roi Abdallah. Celui-ci lui a dit : «Nous sommes avec vous, vous avancez, nous coordonnons, mais vous prenez les choses en main.» «Ce que nous avons fait», dit Hamad Bin Jassem. «Je ne voudrais pas entrer dans les détails… Nous possédons des preuves complètes sur ce sujet», insiste-t-il encore. Et de poursuivre : «Tout passait par la Turquie, tout se faisait en coordination avec les forces américaines, les Turcs, nous-mêmes et nos frères saoudiens. Tous étaient présents via leurs militaires.»
Ce témoignage d’un homme qui était au devant de la scène au moment des faits – il occupait aussi le poste de ministre des Affaires étrangères du Qatar – met en cause la coalition dite internationale conduite par les Etats-Unis qui, sous couvert de la lutte antiterroriste, entretenait tout simplement la dislocation des pays hostiles à la stratégie dite de «remodelage du Grand Moyen-Oyient» avec la complicité active des pays du Golfe, dont le Qatar était pendant ces années le fer de lance. Feignant ignorer certains aspects de cette stratégie de guerre, Hamad Ben Jassam explique qu’«il se peut que des erreurs aient été commises au niveau de certains détails en matière de soutien, mais pas en ce qui concerne Daech».
Dans un autre registre en relation avec le déploiement de la «diplomatie parallèle» qatarie dans le cadre de la stratégie américaine dans la région, l’ex-Premier ministre sous Hamad Al-Thani reconnait le rôle néfaste d’Al-Jazeera. Il dit regretter «au plus haut point» la création de cette chaîne en 1994, tout en reconnaissant la part active que ce média a eu dans les insurrections arabes de 2011. «Al-Jazeera a certes fait bouger les masses arabes, mais ce n’est pas elle qui a créé le soulèvement», a-t-il nuancé. Il est vrai aussi que cet ancien responsable dit cela aujourd’hui parce que’Al-Jazeera est réduite à défendre un pays, le Qatar, lui-même cible d’une campagne de harcèlement et de dénigrement systématique décrétée par l’Arabie Saoudite et ses alliés.
Dans la foulée de ces déballages, Hamad Bin Jassem confirme toutes les rumeurs qui circulaient ces dix dernières des années sur les accointances très avancées de son pays avec l’entité sioniste. Il ne se gêne pas pour faire l’éloge d’Israël et des Israéliens en déclarant : «Son revenu national dépasse n’importe quel pays arabe, alors qu’il n’a pas de pétrole (…). Israël a des cerveaux et quatre millions de personnes, dont trois millions possèdent une double nationalité, ce qui signifie qu’elles peuvent émigrer mais restent parce qu’elles ont un but à atteindre. Quant à nous, nous cherchons tous leur amitié et les craignons. Qui, parmi nous, parle encore de la question palestinienne ? Nous ne parlons plus que des modalités de normalisation…» Hamad Bin Jassem évoque l’Arabie Saoudite, sans la nommer, l’accusant d’entretenir des relations secrètes avec Tel-Aviv : «Je sais que nombre de dirigeants régionaux traitent avec eux et que nombre de réunions ont lieu, certaines en mer Rouge. Mais je sais aussi qu’elles sont vouées à l’échec…» Il le sait parce qu’il est bien passé par là !
R. M.
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