10e Forum mondial sur la transparence : nécessité de renforcer la coopération
Plusieurs pays ainsi que des entités juridiques indépendantes et organisations internationales ont appelé à Yaoundé (Cameroun) à la nécessité pour les pays africains de renforcer leur coopération contre les flux financiers illicites, lors du 10e Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements financiers. Selon un rapport d’un panel de l’Union africaine (UA) supervisé par l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki, les économies africaines enregistrent chaque année entre 52 et 60 milliards de dollars de pertes fiscales à cause de ces flux financiers illicites.
D’après les observateurs, cet énorme manque à gagner fait de l’Afrique la région du monde la plus touchée par ce fléau. Présidente de cet organe multilatéral basé à Paris, l’Espagnole Maria-José Garde a invité ces pays à renforcer leur coopération à travers une augmentation de leur présence au sein du forum pour pouvoir lutter contre ces redoutables flux financiers illicites. «Nous voulons qu’ils nous rejoignent et coopèrent avec nous. Nous voulons évoluer avec tout le monde. La coopération internationale est importante pour mener la lutte contre la fraude fiscale et les transferts financiers illicites», a-t-elle déclaré lors d’un point de presse en marge de cette réunion.
Emanation de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cette institution créée en 2000 œuvre à la lutte contre les pratiques fiscales dommageables entre les pays du monde. En Afrique, 27 des 55 membres de l’UA figurent parmi ses 141 adhérents. Sur un total de treize signataires, sept ont ratifié la convention multilatérale sur l’assistance administrative, un instrument contraignant d’évaluation de la mise en œuvre des normes de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales, a précisé Pascal Saint-Amans, le directeur du Centre de politique et d’administration fiscales (CTPA), également basé à Paris.
Ces normes concernent, d’une part, l’échange de renseignements sur demande et, d’autre part, l’échange automatique de renseignements. Leur application a permis de collecter au sein de ses membres près de 55 milliards de dollars de revenus dissimulés par des contribuables à leurs autorités fiscales. Selon M. Saint-Amans, l’appartenance des pays africains à ce forum mondial et la ratification de la convention multilatérale sur l’assistance administrative leur offrent «la possibilité de demander des informations aux 115 signataires».
Le rendez-vous de Yaoundé est le deuxième organisé en Afrique, après celui de 2012 au Cape, en Afrique du Sud. Plus de 80 pays et entités juridiques indépendantes y sont représentés, dont certains cités comme étant des paradis fiscaux, comme le Panama, le Luxembourg, les Iles Caïmans, Maurice ou encore les Seychelles. Preuve de la mobilisation internationale croissante contre les pratiques fiscales illicites, les organisations internationales telles que les Nations unies, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) et l’Union européenne (UE) y prennent également part.
Un panel de ministres des Finances africains s’est réuni à l’occasion de la première journée de discussions pour lancer «un appel à l’action en Afrique» lors d’un débat sur le thème «Combattre les flux financiers illicites grâce à la coopération fiscale internationale». Le but était d’encourager les pays non encore adhérents d’intégrer le forum mondial. L’Initiative Afrique, créée il y a trois ans au sein de cet organisme sous l’appellation African Tax Administrations Forum (Ataf), est la promotrice de ce débat. Selon elle, la participation des pays africains à l’échange de renseignements à des fins fiscales reste marginale à cause d’un manque de volonté et d’accompagnement politique. Pourtant, l’Afrique est touchée autant, sinon plus que les pays développés par l’épineuse question d’érosion des bases d’imposition fiscale, a déploré le ministre camerounais des Finances, Alamine Ousmane Mey, rappelant un manque annuel de 100 milliards de dollars auquel les pays du continent sont confrontés pour le financement de leur développement.
Les difficultés de ces pays à pouvoir lutter avec efficacité contre la fraude fiscale internationale et les flux financiers illicites tiennent dans bien des cas à l’absence d’un cadre juridique et législatif ainsi que des compétences nationales adaptés au problème. «Nous ne pouvons pas parler de coopération internationale sans tout d’abord renforcer notre système d’échange d’informations interne», a martelé le ministre ougandais des Finances, Haruna Kasolo Kyeyune.
R. I.