Du féminisme radical au féminisme ridicule
Mesloub Khider – Le féminisme est le dernier refuge de la femme prétendument émancipée, de la femme éplorée, estropiée, atrophiée, esseulée, isolée, désolée.
Une campagne médiatique effrénée a été déclenchée ces derniers temps pour dénoncer les agressions sexuelles dont seraient victimes les femmes. D’aucuns s’empressent de réclamer l’instauration d’une loi réprimant le harcèlement de rue, voulant transformer ainsi les artères en zones parsemées de zombies, en endroits de défiance, de méfiance, de silence. Gare à celui qui s’égare par un regard dénué d’égard. Attention à celui qui ose quelque prose en guise de roses à celle qui affiche une aguichante pose. La cause est entendue. Désormais, les relations sont tendues. Et les contre-attaques féministes rendues.
Ainsi, par la propagation de cette psychose «masculinophobe», la distillation de la suspicion à l’encontre de tout homme, la société capitaliste décadente tend à accentuer la division individualiste au sein de la société, marquée déjà par le chacun pour soi. Comme aux Etats-Unis et au Canada, le cloisonnement relationnel sexué marquera bientôt les rapports humains. Partout, dans ces deux pays, au sein des entreprises comme dans la rue, l’homme s’expose à des poursuites judiciaires pour un regard, un geste ou une parole jugés par trop ambigu, tendancieux, concupiscent. Au point où la mixité est devenue aujourd’hui problématique pour cause de potentielles accusations d’agression sexuelle proférées par la femme. Réduits à des automates, ces hommes et femmes doivent brider leurs sentiments, surveiller leurs gestes, mesurer leurs paroles.
En résumé, se défaire de toute familiarité chaleureuse, se départir de tout contact réellement humain, se délester de toute séduction.
Paradoxalement, cette mode intervient à une époque d’islamisation forcenée répandue partout dans le monde, marquée par le rejet et l’interdiction de la mixité. Cela interpelle. Dans les périodes réactionnaires, les pires miasmes remontent à la surface. Les petits et ignobles esprits se rencontrent.
Partie des Etats-Unis, au lendemain des accusations de viol portées contre le producteur américain Harvey Weinstein, cette campagne s’est étendue à de nombreux pays. Les féministes, toujours promptes à pousser des râles d’indignation, se sont engouffrées dans la brèche hollywoodienne pour monter leur mâle spectacle avec un vagissant plaisir. Dans leurs délires hystériques, elles invitent toutes les femmes à se muer en délatrices, en rédactrices virtuelles, pour dénoncer la prédatrice attitude de l’homme. L’homme, voilà le nouvel ennemi pour ces femmes en lutte contre le mâle qu’elles subissent, selon elles.
Rien ne les arrête dans leur entreprise de dévirilisation de la société. De castration de l’homme. D’émasculation des relations humaines. D’effémination des comportements humains. De transformations des genres. De mutations des rôles sexuels. D’apologie des homosexualités extensives et intensives. Des mariages homosexuels. De glorification de luttes des sexes, en lieu et place de la lutte des classes. Bienvenue à l’avènement du sociétal en instrument de combat, de débat, d’ébat. Adieu au social, à la question sociale, à la revendication sociale, au combat social.
Dans cette société du spectacle, chacun peut jouer la comédie pour mieux masquer la tragédie de sa vie. Le combat féministe est une lubie des petites bourgeoises désœuvrées. En effet, en quoi l’agression d’une femme, le viol d’une femme, concernerait-il uniquement les femmes ? Et devient ainsi prétexte à un combat stérile féministe. Ces agressions et ces viols ne relèvent-ils pas plutôt d’un problème de société qui concerne tous les citoyens ? Bien plus. Ces comportements criminels, barbares, ne dévoilent-ils pas l’incapacité de cette société capitaliste prétendument civilisée à protéger les femmes ? D’offrir une égalité réelle. Des rapports authentiquement humains. Ne révèlent-ils pas la nature encore archaïque de cette société marquée par la mentalité patriarcale, la prégnance de la misogynie, de la phallocratie ? Comme quoi, un siècle de luttes féministes dans le cadre du système capitaliste n’a en rien modifié les comportements des hommes. Dans les sociétés archaïques islamistes, la pénétration du capitalisme a, bien au contraire, ravivé le sexisme, l’oppression contre la femme. Preuve que le féminisme est un combat bourgeois d’arrière-garde.
Il n’est pas inutile de rappeler que durant la Commune de Paris comme pendant la Révolution russe, il n’y eut pas de mouvements féministes. Car le combat total et radical à mener impliquait la participation égale des femmes et des hommes. Et les revendications n’étaient pas fragmentées, les luttes parcellisées. La question de la femme s’intégrait dans le combat de l’émancipation intégrale humaine. Elle s’inscrivait dans la lutte collective d’affranchissement de toutes les formes d’oppressions. Comme on le subit de nos jours. Force donc est de relever que le féminisme se répand surtout en période de paix sociale, de reflux de lutte du mouvement social.
Il n’y a jamais eu autant de mouvements revendicatifs dans l’histoire comme aujourd’hui. Le mouvement féministe. Le mouvement écologiste. Le mouvement antiraciste. Le mouvement homosexuel, transgenre. Le mouvement de la protection des enfants, des animaux, etc.
C’est l’ère de l’émiettement des luttes
Et parallèlement, il n’y a jamais eu une période de recul des acquis sociaux, de dégradation des conditions de vie, de la nature, de régression politique, de chômage massif, de misère, de famines, de guerres généralisées, d’exodes massifs, de pathologies psychiatriques, de délitements des liens sociaux, de déstructurations des familles, d’explosions des divorces, d’implosion des violences interpersonnelles comme aujourd’hui.
Pour revenir à nos petites bourgeoises féministes désœuvrées, il n’est pas inutile de rappeler qu’elles se sont ébranlées seulement au moment où des célébrités sont rentrées en scène pour dénoncer les agressions et viols dont elles ont été victimes de la part d’hommes haut placés. On ne les entend jamais quand des pauvres prolétaires sont agressées, violées.
Par leur empressement à s’indigner contre les agressions sexuelles commises contre ces grandes Dames du sérail médiatique, politique et culturel, ces féministes petites bourgeoises expriment ainsi leur solidarité de classe. Par ailleurs, les comportements prédateurs mis en lumière en ce moment sont l’œuvre d’hommes des classes opulentes dirigeantes. Détendeurs de pouvoirs dans différents secteurs économiques et politiques, ces hommes usent et abusent de leurs prérogatives pour assouvir leurs bas instincts. Ces pratiques de séduction forcée sont l’apanage de cette engeance placée dans les hautes sphères, dans les entreprises privées comme dans les administrations publiques. Les classes populaires sont plus respectueuses des femmes, de leurs collègues féminines.
N’importe quel petit chef se mue en prédateur sexuel. Il profite de son pouvoir pour exiger le droit de cuissage. Les féministes tentent de culpabiliser tous les hommes. De désigner à la vindicte tous les hommes. Encore une fois, les agressions et les viols sexuels sont majoritairement perpétrés par les détenteurs de pouvoirs.
Enfin, on focalise sur les violences commises contre les femmes. Notamment sur les quelques femmes mortes sous les coups de leur compagnon. Problème de société. Et non pas féministe.
Sans absolument cautionner ni encore minorer ce dramatique problème, je voudrais néanmoins dévoiler une autre violence encore plus dramatique et massive infligée à des millions de femmes et d’hommes de par le monde, sans qu’elle soulève ni indignation ni protestation. Au contraire, personne n’en parle. Et il n’existe aucune organisation qui combat ce génocide quotidien. Il s’agit de la violence subie dans les entreprises. Celle qui tue et handicape des centaines de personnes par jour.
Qui sait que les accidents du travail tuent un travailleur toutes les quinze secondes ? Soit 6 300 personnes par jour. Soit 2,3 millions par an. Sans compter les autres millions de travailleurs blessés, déclarés inaptes à vie. Véritable holocauste perpétré dans les entreprises dans l’indifférence générale. Le capitalisme porte en lui la mort comme les nuées l’orage. Le capitalisme pollue. Le capitalisme est raciste. Le capitalisme exploite et opprime hommes et femmes. Le capitalisme est impérialiste. Le capitalisme est toxique, nocive, pathogène. Par conséquent, la libération et l’émancipation de la femme ne se réalisera jamais dans le cadre de la société capitaliste.
Le combat de la femme est consubstantiellement lié à celui de l’homme. Leur ennemi est commun : le capitalisme, les traditions archaïques oppressives, les religions régressives, les comportements destructeurs, les attitudes agressives, les valeurs vénales. Leur principal adversaire, c’est la fragmentation de leur lutte radicale en revendications parcellaires.
Le féminisme est la voie royale du dévoiement de la lutte. De l’émiettement du combat. De la fragmentation de la conscience politique. De la stérilisation de l’affrontement de classe.
M. K.
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