Khaled vole au secours du régime wahhabite et chante «Vive Salman !»
Par Karim Bouali – Le chanteur de raï algérien Cheb Khaled a entamé son concert qu’il a animé ce jeudi en Arabie Saoudite par une chanson inédite à la gloire du roi Salman. Après avoir fait allégeance au monarque marocain, Mohammed VI, Cheb Khaled, qui vient d’effectuer une Omra à La Mecque, s’est produit devant un public saoudien exclusivement masculin, mais habillé à l’occidentale.
«Vive Salman !» est le refrain du nouveau titre chanté par Cheb Khaled à Djeddah, à l’invitation des autorités officielles de ce pays fermé et dirigé d’une main de fer par les Al-Saoud. Le fils du roi Salman, nouvel homme fort de Riyad, a entamé une série de réformes visant à éviter au royaume une explosion due à une forte exigence de changement.
Le chanteur algérien, qui a fait honneur à l’Algérie en étant le premier artiste dans le monde à se produire en Arabie Saoudite, s’est néanmoins fourvoyé dans une adulation dont il aurait pu se passer pour rehausser son concours à l’ouverture du régime rétrograde de Riyad sur la modernité. Il est certain, toutefois, que les autorités politiques saoudiennes aient imposé au chanteur algérien cet «hymne» au roi Salman face à une foule nombreuse qui assiste pour la première fois à un concert de musique dans son propre pays.
Le roi, embourbé dans le conflit yéménite, incommodé par son alliance contre nature avec l’Etat sioniste pour faire face à l’«ennemi» iranien et fragilisé par une situation économique difficile, avait besoin de cet exutoire pour détourner un tant soit peu l’attention de la jeunesse saoudienne de tous ces problèmes politiques. Pour mener cette «révolution», Salman a confié les rênes du pays à son fils, le jeune prince Mohamed Ben Salman, qui dose judicieusement la politique de la carotte et du bâton, menant une guerre sans merci contre des dignitaires du régime, d’un côté, et abandonnant petit à petit la doctrine figée et rigide du royaume wahhabite.
Au milieu des années 1980, alors que le raï sortait à peine des bas-fonds d’Oran, envahissait la scène musicale algérienne et traversait les frontières, le régime monolithique de l’époque organisait un méga-concert à Alger, auquel prenaient part les ténors de cette musique diabolisée à ses débuts, dont Cheb Khaled. Objectif du gala : servir de défouloir à une jeunesse étouffée et en ébullition. Cela n’avait pas empêché la rue de se soulever quelques mois plus tard. Le concert de Djeddah – qui présente d’étranges similitudes avec celui de Riadh El-Feth en 1987 – sauvera-t-il un régime wahhabite en déclin ? Rien n’est moins sûr.
K. M.
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