De Bollardière : ce général français qui dénonça la torture en Algérie
Par Houari Achouri – Il y a quelques jours, un site intitulé «Les crises, espace d’autodéfense intellectuelle» a saisi l’occasion de l’anniversaire du général français Jacques de Bollardière (né le 16 décembre 1907) pour déplorer que le «militaire le plus décoré de la Résistance, qui a été quasiment le seul gradé à avoir dénoncé la torture en Algérie, qui a fait pour cela deux mois de forteresse, qui a viré non-violent puis anti-nucléaire, est désormais un quasi inconnu» en France.
En Algérie, très peu se souviennent de ce général qui refusa la torture pratiquée en Algérie par l’armée française, une armée dont il faisait lui-même alors partie avec le grade de général et qui était en guerre contre l’Armée de libération nationale (ALN). En 1956 et 1957, il avait le commandement d’un secteur dans la Mitidja et l’est de l’Atlas blidéen, avec sous ses ordres une troupe d’aviateurs rappelés.
L’histoire du général Jacques de Bollardière mérite d’être rappelée aux Algériens.
Il faut signaler que ce général n’a rien à voir avec les fameux «porteurs de valises» des réseaux Jeanson et Curiel qui ont apporté une aide précieuse aux combattants algériens anticolonialistes, ou les «insoumis» qui ont refusé de porter les armes contre le peuple algérien, ou encore les intellectuels signataires du Manifeste des 121. Ceux-là sont les amis de l’Algérie, appelés aussi les «Justes d’Algérie» dont l’un d’eux vient de nous quitter : Noël Favrelière, décédé le 11 novembre, condamné à mort deux fois par les tribunaux français pour avoir refusé de se battre à 22 ans contre l’ALN qu’il a rejoint, d’ailleurs, après s’être enfui avec un prisonnier algérien qui devait être emmené dans une «corvée de bois» – procédé inventé par l’armée française pour les exécutions sommaires déguisées en tentatives de fuite.
Le général Jacques de Bollardière voulait faire la guerre contre l’ALN autrement que par les méthodes du général Massu. Au début de la Bataille d’Alger, il reçoit des ordres portant sur «la mise sur pied dans les villages de la Mitidja d’équipes policières formées avec les troupes de secteur et opérant de façon identique aux équipes de parachutistes chargées du maintien de l’ordre à Alger». En clair : la torture et les exécutions sommaires. Il refuse de les appliquer.
Le général de Bollardière cherche à rétablir un climat de confiance avec la population algérienne. Il demande à ses hommes de respecter le principe selon lequel «tout musulman est considéré comme un ami et non comme un suspect, sauf preuve du contraire». Pour lui, «la lutte contre l’organisation politico-militaire rebelle, l’arrestation de suspects et la mise hors d’état de nuire des assassins» est parfaitement normal, mais pas l’utilisation de moyens de torture comme la baignoire ou le courant électrique durant les interrogatoires. En fait, il refuse de faire comme les officiers français de sinistre mémoire, Cavaignac ou Saint Arnaud, auteurs des «enfumades» et autres crimes contre l’humanité commis par l’armée française en Algérie.
Jacques de Bollardière est décédé en février 1986. En octobre 2000, sa veuve, Simone de Bollardière, a signé l’appel des personnalités, dont Henri Alleg, qui ont demandé une condamnation publique de l’usage de la torture par l’armée française au cours de notre lutte de libération nationale.
H. A.
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