Le Monde s’intéresse au chaos urbanistique de la ville de Sidi Abdellah
Par Hani Abdi – Sous le titre évocateur «La ville nouvelle de Sidi Abdellah, concentré des maux algériens», un reportage du journal français Le Monde décrit cette ville nouvelle censée être futuriste et qui n’est au final qu’une gigantesque cité-dortoir. Une cité-dortoir comme il y en a partout à travers le pays.
Réalisé par son envoyée spéciale Charlotte Bozonnet, le reportage du journal Le Monde fait état d’un terrible massacre urbanistique dans lequel les concepteurs de projets excellent depuis de longues années. «A perte de vue des immeubles, comme une forêt de béton, séparés non pas par des rues, mais par des boulevards. L’ensemble a des allures de gigantesque cité-dortoir où les habitants semblent des fourmis. Bienvenue à Sidi Abdellah, présentée par les autorités comme la ville de demain, capable de répondre (intelligemment) au défi démographique de l’Algérie», écrit la reporter du Monde, visiblement surprise par l’ampleur du gâchis.
Le reportage revient sur les objectifs définis de cette ville, initialement dédiée aux nouvelles technologies. «Le projet de Sidi Abdellah est né il y a plus de quinze ans. A l’époque, il a été confié à l’éminent architecte suisse Jean-Jacques Deluz, installé à Alger depuis les années 1950 (et décédé en 2009). Celui-ci imagine une ville mixte, à taille réduite. Mais au cours des années 2000, le dossier est confié à un bureau d’études sud-coréen qui remporte plusieurs gros contrats de villes nouvelles», souligne Le Monde, qui se réfère à l’architecte algérien Larbi Merhoum. Selon ce dernier, le projet de Jean-Jacques Deluz, ses dimensions délicates, son idée de réaliser un gros bourg, entre la ville et le village, a disparu. Les Coréens dessinent une grande ville à l’américaine. Et même le dessin a été très mal concrétisé sur le terrain.
«La vocation de Sidi Abdellah évolue également : il s’agit d’en faire un pôle scientifique, destiné à la classe moyenne supérieure, aux cols blancs. Mais après plusieurs années de tiraillements entre les ministères de l’Urbanisme et de l’Habitat, nouveau changement de cap : Abdelmadjid Tebboune, alors ministre de l’Habitat, finit par obtenir l’autorité sur les villes nouvelles. Il a alors décidé d’en faire un grand chantier de logements», ajoute cet architecte. Au fil des ans, l’ambition succombe à la nonchalance des chargés de la concrétisation de ce projet.
Le but initial était de construire une smart city. Un objectif duquel les autorités se sont complètement éloignées. «Les bâtiments, qui n’ont que quelques mois, paraissent déjà décrépis ; les trottoirs sont déformés, la peinture s’écaille. En rez-de-chaussée, de nombreux locaux commerciaux sont toujours vides, rideaux métalliques baissés», ajoute le journal Le Monde, qui précise que la réalisation de Sidi Abdellah a été confiée à des sociétés chinoises et turques, qui elles-mêmes font travailler des migrants subsahariens – jeunes hommes ivoiriens, camerounais, guinéens – en situation irrégulière.
Aujourd’hui, Sidi Abdellah n’a rien à envier à la nouvelle ville Ali Mendjeli de Constantine. Un autre chaos urbain que nous subissons comme une malédiction.
H. A.
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