Les retardataires de l’histoire
Par Al-Hanif – Le retardataire de l’histoire n’apprend rien et ne retient rien. Piégé dans une identité rigide et dogmatique, il est incapable de prendre acte des changements qui doivent le pousser à remettre son logiciel à jour.
C’est là où le bat blesse ! Le retardataire de l’histoire, lorsqu’il est notre compatriote, a construit sa cosmogonie autour de l’abri antiatomique de la supériorité religieuse et de son corollaire la sacralité de la langue arabe. Et il use et abuse de cette posture comme arme de dissuasion massive.
Cette vision du monde est ancienne et bien ancrée dans la société algérienne et c’est pourquoi le retardataire de l’histoire est doublement dangereux lorsqu’il a été nourri au lait idéologique du parti unique et de la pensée unique, et qu’il accède à la tribune parlementaire.
Se faisant passer pour l’interprète de la parole divine, il tire avantage de l’espace qui lui a été concédé et des concessions accordées. Passerelle autoproclamée vers Dieu, notre retardataire de l’histoire est peu ouvert sur le monde sensible et il y projette sa propre noirceur d’âme. Jouisseur refoulé, il fustige l’Occident en le copiant jusqu’au bout dans ses manies consuméristes et n’a d’autre choix comme le Tartuffe de Molière que de se faire passer pour dévot.
Confronté à l’Histoire qui se réassume et ne veut plus passer deux fois le même plat, notre retardataire de l’histoire se réclame de la pensée majoritaire, et on serait assez magnanime pour lui accorder une forme de pensée mais, surtout, des arrière-pensées !
La médiocrité brandie en bandoulière et portée par l’hubruis du parvenu, le retardataire de l’histoire éructe et vomit des insanités pour rendre légitime l’absurde, l’inacceptable et le degré zéro de la pensée. Le retardataire de l’histoire pense incarner le terminus de cette dernière et rêve de la voir figée et se plante en rempart futile pour l’empêcher de suivre son cours et remonter la profondeur des siècles pour en extirper ses racines irrédentistes.
Le retardataire de l’histoire ne m’intéresse que comme aberration phénoménologique qui veut incarner le terme final de l’Histoire. Son dogmatisme obère, hélas, les chances de voir émerger une société ouverte, concernée par les vrais enjeux, ceux du développement économique et de l’exercice d’une pensée plurielle et riche de sa diversité.
Le processus de fécondation de la pensée rétrograde, faite de fausses certitudes et se réclamant exclusivement du nombre – au nom d’une dictature de la majorité –, ne voit dans le peuple qu’une foule à manipuler et à instrumentaliser.
Et cela, l’Histoire nous l’a appris, «la foule trahit le peuple» : le retardataire de l’histoire est une mauvaise incarnation qui ne représente au fonds qu’elle-même, projection d’une structure rigide qui se vit en forteresse assiégée qui la protège mais l’emprisonne et surtout la rend incapable de communiquer.
A. H.
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