Khalifa Haftar : «La Libye n’est pas encore mûre pour la démocratie»
Par Sadek Sahraoui – L’homme fort de l’Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, estime, dans un entretien accordé cette semaine au magazine Jeune Afrique, qu’il ne faut pas attendre grand-chose du Premier ministre libyen, Fayez Al-Sarraj, en raison du fait qu’il est «l’otage des milices à Tripoli et n’a pas les mains libres». «Il lui est très difficile de prendre des décisions, et plus encore de les exécuter. Tout ce qu’il peut faire est d’accepter des rencontres et de donner des accords verbaux sans lendemain. A plusieurs reprises, lors de nos diverses entrevues, nous avons essayé de le pousser à la fermeté, sans jamais obtenir de résultat», a soutenu Khalifa Haftar.
Appelé à donner son avis sur le plan de sortie de crise de Ghassan Salamé, envoyé spécial de l’ONU, le commandant de l’Armée nationale libyenne (ANL) dont les unités viennent de débarrasser la ville de Benghazi des dernières poches terroristes qui subsistaient dans certains de ses quartiers, soutient que la proposition du Libanais n’est pas réaliste dans la mesure où son application risque de prendre trop temps. Il milite plutôt pour la tenue d’élections le plus vite possible, avant la révision même de la Constitution.
Pour lui, c’est la seule manière sérieuse qu’il y a pour voir le bout du tunnel le plus rapidement possible : «Pour nous, il faut organiser les élections avant que les élus s’accordent sur une Constitution. Elles doivent être tenues le plus rapidement possible, dans la plus grande transparence, et le vote doit être obligatoire.» M. Haftar s’est, à ce propos, engagé à sécuriser les prochaines élections (législatives et présidentielles) : «Quand (ce moment) se présentera, l’armée jouera pleinement son rôle pour les sécuriser.» Et de soutenir que l’idéal serait de «reconstruire un Etat libyen démocratique, laïque et stable.»
Khalifa Haftar a martelé que «les Frères musulmans, responsables de la venue des terroristes en Libye, ne doivent avoir aucune responsabilité dans le déroulement du processus électoral». «Le peuple libyen a fait beaucoup de sacrifices, et M. Salamé doit être bien attentif à ne pas décevoir ses espoirs», a-t-il averti.
A la question de savoir si le système démocratique prôné par l’Occident est viable dans une Libye en sortie de crise, le maréchal Haftar a répondu : «La Libye d’aujourd’hui n’est pas encore mûre pour la démocratie.» «C’est un mode de gouvernance qui s’élabore, qui ne s’impose pas du jour au lendemain. La démocratie est une culture qui se construit, ça n’est pas une tasse de café instantané. Elle est notre but, mais qu’il est prématuré de vouloir atteindre. Peut-être les futures générations y parviendront-elles», a-t-il indiqué.
Khalifa Haftar souhaite-t-il voir se mettre en place un régime présidentiel analogue à celui qui existe actuellement en Egypte ? «Nos positions se rapprochent, en effet. Je ne considère pas le président égyptien comme un exemple, mais la situation de son pays lors de son accession au pouvoir est comparable à celle de la Libye aujourd’hui», a-t-il expliqué, non sans ajouter que les «grands ennemis» des deux pays sont «les Frères musulmans» qui constituent aussi une menace pour le Sahel et l’Europe. «Le terrorisme s’est implanté un peu partout en Libye», a-t-il encore reconnu.
S. S.
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