Travail mémoriel
La décision d’Emmanuel Macron de donner corps à une mission qui sera chargée d’étudier – une simple étude ? – la restitution d’œuvres d’art appartenant aux pays africains, comme il s’y était engagé à Ouagadougou, en novembre dernier, devrait, à juste titre, ouvrir la voie à la satisfaction d’autres demandes tout aussi légitimes émanant d’autres pays, notamment celle formulée par des universitaires algériens, français et la société civile, réclamant depuis des années la restitution des crânes de 41 Algériens répertoriés et conservés au Musée de l’Homme à Paris.
Sur cette question précisément, Emmanuel Macron avait aussi pris un engagement. Lors de sa visite officielle en Algérie, le 6 décembre dernier, il s’était dit «prêt», ayant alors estimé que «les crânes de résistants algériens n’ont rien à faire au Musée de l’Homme à Paris.» Se disant «prêt à revigorer la relation avec le travail mémoriel», connaissant l’Histoire mais dont il n’est, néanmoins, pas «otage du passé», le Président français porte désormais la responsabilité de jeter les bases d’une lecture juste et rassérénée de cette mémoire, commune aux deux pays, qu’il dit partager.
Cette mission, en charge d’étudier la restitution à des pays africains des œuvres d’art détenues actuellement en France – confiée à l’universitaire patentée de l’histoire de l’art Bénédicte Savoy, auteur de Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, et à l’écrivain sénégalais Felwine Sarr – si, et seulement si, elle aboutissait serait un précédent heureux dans les relations entre la France et ses anciennes colonies.
Mais si seulement ce travail débouche sur du concret. Car l’on redoute, en effet, que cela ne soit que des effets d’annonce conjoncturels. D’autant que, et à l’évidence, cette démarche dépend d’autres facteurs sur lesquels Emmanuel Macron n’a pas tout à fait la mainmise.
Si le peuple français n’est pas majoritairement hostile à un regard lucide sur son histoire et sur la colonisation, un chapitre sur lequel Emmanuel Macron est attendu, et auquel il devra apporter des réponses claires, d’autres groupes, autrement très influents, comme, par exemple, ceux – hommes politiques, une certaine presse, les nostalgiques et les tenants du national-souverainisme – qui ont failli réussir à totalement disqualifier le candidat Macron à la suite de sa déclaration d’Alger, eux peuvent peser, influer, retourner l’opinion publique, une opinion publique qu’Emmanuel surveille comme l’on surveille le lait sur le feu. Alors, l’on a la patience d’attendre la suite… des événements.
De Paris, Mrizek Sahraoui
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