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Des discours politiques enflammés à l’action : l’Occident a-t-il encore une once de courage ?

Une contribution d’Aziz Ghedia – Dans les années 1970, lycéens, nous nous racontions l’histoire de l’élève qui a eu la meilleure note en philo. Il s’agissait alors de disserter sur «qu’est-ce que le courage» ? Hanté par sa feuille restée blanche jusqu’au moment où l’enseignant commençait à ramasser les copies, l’élève eut, comme une révélation, une idée géniale. Il griffonna alors à la hâte la phrase suivante : «Le courage est de rendre la feuille blanche.»

Quelques jours plus tard, à la séance de philo, c’était la remise des notes. Le cœur battant la chamade, l’élève attendait la sienne. Elle tardait à venir alors que celles de ses camarades de classe, bien plus studieux que lui, étaient tout juste moyennes. Logiquement donc, il s’attendait à un zéro bien rond avec en sus brimades de l’enseignant et les moqueries et les rires sarcastiques de ses camarades. Mais, contre toute attente, sa copie ne fut remise qu’en dernier, et c’était à des félicitations de l’enseignant qu’il eût droit. Car, au lieu de se cantonner à théoriser ce concept comme l’avaient fait ses camarades, il l’avait mis carrément en pratique, démontrant ainsi, à son corps défendant, que l’enseignement de la philo ne vaut rien du tout si cette matière n’incite pas l’homme à passer, le cas échéant, à l’action.

En effet, il est des moments dans la vie où théorie et pratique doivent aller de pair. L’une sans l’autre ne vaut rien du tout. L’histoire nous apprend d’ailleurs que, dans la lutte des peuples pour leur indépendance, des révolutionnaires africains (Nelson Mandela, par exemple) ou de l’Amérique latine (Che Guevara) ont eu recours à cette philosophie : de la théorie à la pratique, des discours politiques enflammés à la lutte armée. Il en était de même lors de la guerre d’Algérie. Sans l’engagement sur le terrain de la lutte armée des hommes tels que Abane Ramdane et Krim Belkacem, qui étaient considérés comme les théoriciens de la Révolution algérienne, celle-ci n’aurait pas abouti à l’indépendance.

Cette histoire était-elle vraie ou fausse ? Nul ne le savait à l’époque. En tout cas, elle l’avait l’air d’être véridique et non mythique. Et l’enseignant avait-il raison de noter largement cet élève qui, apparemment, au vu du manque flagrant de son inspiration, séchait allègrement les cours de cette matière ? L’enseignant a du certainement agir en son âme et conscience. Rien ne le forçait à donner une bonne note si rien ne le justifiait.

Dans notre classe de scientifiques, beaucoup d’élèves boudaient le cours de philosophie. On estimait que c’était une perte de temps et qu’il fallait plutôt s’occuper beaucoup plus de la physique et des mathématiques dont les coefficients de notation étaient élevés. Mais, une fois le bac obtenu, une fois les études médicales entamées, personnellement, je me suis rendu compte qu’en fait, comme ne cessait de répéter l’enseignant «la philosophie est la mère de toutes les sciences». De cela, je me rends compte plus aujourd’hui qu’hier et encore plus qu’avant-hier…  

Rien n’est plus intéressant et remarquable que la philosophie qui, au lieu de se contenter de concepts théoriques, recommande plutôt à l’être, à l’homme, de prendre la voix de l’action. D’entreprendre des actions.  

Aujourd’hui, quand on parle de courage concernant certains hommes politiques ou certains pays qui osent critiquer, du bout des lèvres, l’Etat d’Israël, la moindre des choses qu’on puisse dire est que c’est insuffisant. Largement insuffisant au vu de ce qui se passe à Gaza. Il faudrait penser aussi à passer à l’action en sanctionnant cet Etat et en l’isolant plus qu’il ne l’est déjà. Si l’enseignant de philo évoqué ci-dessus était encore de ce monde, il donnerait de très mauvaises notes à ces hommes politiques ou à ces pays pour avoir manqué à leur devoir de mettre fin, aussi vite que possible, à l’opération génocidaire menée par Israël à Gaza.  

La politique sans conscience est une ruine de l’âme

A l’origine, cette sentence concernait la science mais, j’ai pris mes aises de l’extrapoler sur la politique. Car, de nos jours, la politique s’est emparée de tous les domaines, y compris de la science. En effet, n’a-t-on pas vu qu’au moment de la crise de Covid-19, il y a à peine quelques années, que la gestion de celle-ci s’était faite, urgemment et contre tout bon sens, toute logique, par les politiques et non par les médecins ? En arabe classique, il y a un aphorisme qui dit, en substance, ceci : si la gestion de telle ou telle chose est laissée à celui qui n’est pas de droit, l’heure est grave. Ma traduction manque peut-être de pertinence mais, grosso modo, l’esprit et la lettre de cet aphorisme ont été respectés autant que faire se peut.     

Vladimir Lénine avait dit : «Il y a des décennies où rien ne se passe, et il y a des semaines où des années se produisent.» C’est cette impression que dégage actuellement l’actualité internationale. Que ce soit en Ukraine, au Proche-Orient et en particulier à Gaza ou plus proche de nous, en France, il se passe des choses tellement terribles que cela risquerait de mettre le monde sens dessus-dessous. En fait, le monde, à la minute même où je rédige cette note, n’est pas très loin d’une fin apocalyptique. Est-ce trop pessimiste de dire cela ? Est-ce exagéré d’annoncer de telles prédictions ?  

Une certaine frange de la population française se trouve actuellement très contrariée par le fait que leur président, Emmanuel Macron en l’occurrence, reconnaisse, lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU, à New York, l’Etat palestinien. Il est tout à fait facile à ceux qui suivent la politique internationale de comprendre à quelle frange de la société française je fais allusion.

Dans ma dernière «Lettre au peuple français», c’est sciemment que j’ai opté pour un ton mesuré, un ton calme et dépourvu de tout enthousiasme en rapport avec la question palestinienne, pour éviter les interprétations erronées et le risque d’être taxé d’antisémite. Je me suis permis, néanmoins, de conseiller aux mécontents français contre cette décision diplomatique d’essuyer les verres, peut-être enduits de poussière, de leurs montures et d’essayer de voir les choses autrement. Car, à bien y réfléchir, cette reconnaissance profite beaucoup plus à Israël qu’à l’hypothétique Etat palestinien dont les frontières restent à établir : celle d’avant la guerre de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale ou d’autres frontières à redessiner, ensemble, Israéliens et Palestiniens, dans cette forme de gruyère que sont devenus les territoires palestiniens ? Il est clair que cela, ce bornage des frontières je veux dire, ne va pas être facile et ne manquera pas de soulever de nombreuses contestations des uns et des autres. Cela, en supposant, bien sûr, qu’Israël accepte cette solution à deux Etats, ce qui est loin d’être acquis. La communauté internationale qui s’est exprimée en ce jour du 22 septembre 2025, en faveur de la création de l’Etat palestinien, est donc, d’ores et déjà, appelée à prendre ses responsabilités et à veiller à ce qu’il n’y ait pas d’emblée de litige frontalier. 

Bref, on n’en est pas encore là. C’est ma naïveté politique qui me fait écrire de telles choses, je crois. Onirisme, quand tu me tiens !

A. G.

5 Commentaires

  1. La copie blanche appliquée à une élection, ça équivaut à un vote blanc ou à un vote nul.
    Un lycéen peut aussi s’exprimer en décidant de se faire porter pâle le jour du devoir de philosophie loupant ainsi la dissertation et la note. Cette méthode appliquée à une élection équivaut à une abstention.

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    • Après le drame qui s’est déroulé sous nos yeux horrifiés à Gaza, on ne peut que désespérer du genre humain. Les criminels sionistes avaient d’abord qualifié les palestiniens d’animaux. Les déshumaniser avant d’enclencher la machine coloniale génocidaire car tout était minutieusement et méthodiquement préparé. Et les occidentaux et leurs larbins complices.
      Philosopher est inutile. C’est une perte de temps. L’art du bla bla ne produit que du vent. La justice, le droit, les lois, les règlements … Tout ça n’a plus aucun sens. Le monde est corrompu et toutes les valeurs sont inversées. La politique est censée porter sur les actions. Si ne rien faire est du courage alors que dire de la communauté internationale qui n’a rien fait pour arrêter le génocide.

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    • À l’international sioniste qui est motivée par leur agenda messianique (dajjalique). Le chaos est planifié, programmé de longue date …

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  2. La philosophie est la théorie de la connaissance, au sens où elle est réflexion sur les premiers principes de toute connaissance, sur l’origine, la nature et la valeur des principes de la faculté de connaitre en général. Elle est épistémologie dans la mesure où elle réfléchit sur les principes de la connaissance scientifique proprement dite. Elle éprouve avant de combler, comme la lumière aveugle avant d’éclairer…

    Le spectacle souvent désolant que nous donne la vie publique nous éclaire sur cette génération qui pousse sur un terreau éducatif, social et médiatique si pauvre qu’il favorise les idéologies les plus sommaires.

    Fraternellement lhadi
    ([email protected])

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