Seul contre tous ?
Par Mrizek Sahraoui – Non, pas vraiment, car nombreux, pour ne pas dire la majorité, sont les pays qui ne disent rien, mais pour autant, ne se sont pas soumis aux injonctions dictées par Londres, Washington et Paris, dans une moindre mesure. Serait-ce approprié de supposer que la posture de non-aligné, adoptée par les pays qui n’ont pas souscrit à la démarche britannique sur l’affaire d’empoisonnement au Royaume-Uni de l’ancien agent double Sergueï Skripal traduit, on ne peut plus clair, un soutien sans condition à la Russie ?
Comment pourrait-il en être autrement, d’autant que des doutes pèsent, d’une part, sur les réelles motivations des pays occidentaux. D’autre part, personne ne comprend le flou qui entoure ce dossier, entretenu et accentué par le refus des Britanniques d’associer les Russes dans l’enquête. Ensuite, un faisceau d’indices plaide en faveur d’une volonté manifeste d’instrumentaliser cette affaire à des fins inavouées, en tout cas, autres que celles invoquées jusqu’ici. Enfin, les sanctions disproportionnées, imposées à la Russie sans la moindre concertation, laissent à penser que toute cette opération obéit à un agenda bien précis.
A l’évidence, la perte de leadership des pays occidentaux sur le monde depuis un moment, aggravée par le retour remarqué de la Russie sur la scène internationale, clairement imprimé au travers de la tournure prise par la guerre en Syrie notamment, milite en faveur de l’hypothèse selon laquelle l’empoisonnement de l’espion russe retourné par les Britanniques, face auquel, une précision de taille, la justice russe ne retient aucun grief, pourrait être un scénario monté de toutes pièces visant à discréditer et à neutraliser Vladimir Poutine, avec pour objectif final de réduire de façon drastique la sphère d’influence de la Russie qui, visiblement, au regard des toutes dernières mesures de rétorsion prises, le 30 mars, par le Kremlin, a décidé de répondre sans la moindre concession et avec la fermeté qu’exige pareille situation.
Ainsi, comme l’avaient précédemment indiqué toutes les voix autorisées de la diplomatie russe, le Kremlin, après avoir expulsé dans une première étape 60 diplomates américains, vient de riposter, à son tour, par des mesures réciproques aux représailles des pays occidentaux et de tous les autres pays solidaires de la Grande-Bretagne, en convoquant, le 30 mars, les ambassadeurs de 9 pays européens dont la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et la Pologne, pour leur signifier les mesures prises à leur encontre à la suite de l’expulsion des diplomates russes en poste dans les 23 pays qui se sont ligués contre la Russie, des suites de l’affaire de l’emprisonnement sur le sol britannique de l’ancien agent double Sergueï Skripal, le 4 mars dernier.
Les mesures de rétorsion décidées par Moscou, selon la loi du Talion, sont l’exacte symétrie des sanctions occidentales et de tous les pays ayant emboîté le pas aux Etats-Unis qui ont déjà renvoyé, la semaine dernière, 60 représentants russes – aux yeux des Américains des agents de renseignement travaillant sous couverture diplomatique – sur un total de 120 expulsés depuis le début de cette affaire et au lendemain de l’expiration de l’ultimatum lancé contre la Russie par le Premier ministre britannique, Theresa May.
Même si le Kremlin s’est réjoui que les autorités françaises «ne fuient pas le dialogue» et a loué la position de la France de maintenir la visite d’Emmanuel Macron au forum économique de Saint-Pétersbourg, prévu les 24 et 25 mai prochain, il n’empêche, Moscou reste ferme, n’a pas l’intention de céder et donne une semaine aux quatre diplomates français pour quitter le territoire russe, a annoncé l’ambassadrice de France en Russie, Sylvie Bermann, citée par journal Le Monde.
La persistance des Occidentaux à vouloir incriminer la Russie, sans qu’une quelconque enquête indépendante ait rendu des conclusions, est un ferment de discorde qui pourrait mener au pire. Apocalypse.
M. S.
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