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La rencontre entre Tebboune et Macron n’aura pas lieu : quand Alger prend Paris à contrepied

Par Karim B. – A la veille de l’ouverture du sommet du G20 à Johannesburg, en Afrique du Sud, la décision du président Abdelmadjid Tebboune de ne pas s’y rendre personnellement, et de charger le Premier ministre Sifi Ghrieb de le représenter, a glacé les espoirs à Paris. Cette annonce vient, en effet, mettre un terme aux spéculations qui enflaient depuis plusieurs jours autour d’une rencontre entre les présidents algérien et français en marge du sommet. Une perspective largement relayée par les médias français et de nombreux responsables politiques qui y voyaient un signe d’apaisement dans une relation bilatérale secouée depuis plusieurs années.

Il faut dire que le geste de Tebboune, qui a accordé une grâce à l’agent Boualem Sansal pour des raisons éminemment humanitaires, avait été interprété à Paris comme un premier pas vers une décrispation. Selon plusieurs médias français, dont la chaîne publique France 24, cette mesure aurait ouvert la voie à un éventuel rapprochement, d’autant que deux hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay et de la place Beauvau ont été reçus à Alger jeudi, dans ce qui apparaissait comme une tentative de relancer un dialogue bilatéral à l’arrêt.

Or, la décision présidentielle annoncée ce vendredi démontre que cette lecture française était pour le moins prématurée. En dépêchant son Premier ministre à Johannesburg, Tebboune signale non seulement qu’aucune rencontre bilatérale de haut niveau avec Paris n’est à l’ordre du jour, mais aussi que l’Algérie entend conserver la maîtrise totale du tempo diplomatique. Une manière de répondre, en creux, à ce que de nombreux observateurs à Alger perçoivent comme une tendance française à surinterpréter certains gestes ou à projeter des attentes que les autorités algériennes ne partagent pas nécessairement.

Ce n’est pas la première fois que les anticipations françaises se heurtent à une réalité algérienne autrement plus prudente, voire méfiante. Récemment encore, plusieurs initiatives françaises avaient été accueillies froidement à Alger, alimentant une impression persistante de décalage entre les analyses faites à Paris et les intentions réelles des autorités algériennes. Cette incompréhension récurrente nourrit, côté algérien, l’idée que certains discours médiatiques et politiques français manquent de finesse, oscillant entre maladresse, assurance excessive et méconnaissance du contexte local.

Dans ce climat, la perspective d’un retour rapide à des relations «normales» entre les deux capitales paraît peu probable. Les passerelles existent, les canaux de communication aussi, mais les attentes divergent profondément. A Alger, on insiste sur la nécessité d’un respect mutuel et d’une approche débarrassée des réflexes condescendants hérités du passé. A Paris, on semble souvent chercher à accélérer un rapprochement sans prendre pleinement en compte les signaux envoyés par la partie algérienne.

En choisissant Johannesburg comme scène diplomatique mais en y déléguant son Premier ministre, Tebboune envoie un message qui ne souffre aucune ambiguïté. L’Algérie reste ouverte au dialogue avec la France, mais refuse toute précipitation. Une mise au point qui réaffirme, une fois encore, l’autonomie de la diplomatie algérienne et sa volonté de définir elle-même ses priorités et son calendrier.

K. M.

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