Par M. Aït Amara – Nicolas Sarkozy fait partie de cette espèce rare mais dont le terrain semble chaque jour s’étendre en France : le corrompu triomphant, celui qui transforme la honte en commerce, le déshonneur en opportunité et l’incarcération en campagne marketing. Onze jours derrière les barreaux – à peine le temps de comprendre comment fonctionne la minuterie des lumières – et voilà que le malfaiteur repenti d’opérette nous revient, auréolé d’un halo artificiel, brandissant un livre déjà prêt qu’il vend aux Français comme le récit bouleversant d’une persécution. Et pour quoi faire ? Pour remplir, encore et toujours, ses poches déjà débordantes.
La prison aurait pu être un miroir. Pour certains, l’épreuve éclaire, émonde, rend modeste. Mais pas pour lui. Lui y voit une résidence de passage, un prétexte commode pour se refaire une virginité médiatique et transformer l’opprobre en or sonnant. Quelques jours de cellule, quelques nuits «inconfortables», et hop ! Le récit est déjà ficelé, calibré, huilé : un best-seller programmé, conçu pour récolter des millions, parce qu’après tout, pourquoi changer une vie fondée sur la prédation si lucrative ?
Ce personnage ne recule devant rien. Et surtout pas devant le ridicule. Sa réputation amochée, il n’en a cure. Elle n’est qu’un vieux manteau élimé qu’il troque contre une nouvelle veste de victime. Quel ironique renversement ! Le coupable devient martyr, l’avidité se repeint en courage et la vénalité, soudain, prend des airs de résistance héroïque. Un conte pour enfants crédules, sauf que le public adulte finira par acheter le livre, par voyeurisme ou par simple fascination pour la chute des puissants. Un spectacle qu’il orchestre lui-même avec l’aisance d’un prestidigitateur de bas étage.
Pourtant, les faits sont là, solides, têtus. Les preuves sont accablantes, les témoins incontestables et les condamnations officielles. Mais rien de cela ne trouble la trajectoire de cet insatiable collectionneur de luxe et de billets, pour qui la dignité n’est qu’une variable d’ajustement dans la poursuite de son unique idéal, celui d’amasser encore et toujours, par tous les moyens possibles et imaginables.
Et tandis qu’il parade en parlant de complots imaginaires et d’injustice flamboyante, il espère que ceux qui l’ont porté au pouvoir oublieront ce qui l’a conduit là où aucun détenteur de hautes fonctions ne devrait jamais finir. Il voudrait qu’ils oublient la voracité, l’abus, les affaires scabreuses, les arrangements douteux, les silences achetés. Il voudrait qu’ils balaient tout cela pour ne retenir que son récit victimaire.
Mais un corrompu reste un corrompu. Qu’on l’enferme ou qu’on le libère, il garde cette même capacité à transformer la faute en rente, la disgrâce en opportunité commerciale, l’indignation publique en carburant pour son inépuisable appétit.
M. A.-A.


