Par M. Aït Amara – Chapeau bas à Ali Bencheikh – notre Alilou national – qui, une fois encore, a rappelé à tous que l’algérianité n’est ni posture ni opportunisme, mais conviction intime, viscérale, ardente. Invité au Qatar pour commenter, aux côtés des voix venues de l’ensemble des pays participant à la Coupe arabe, les matchs d’un événement sportif devenu incontournable depuis son lancement, il aurait pu se fondre dans le décor, adopter la neutralité de circonstance ou la complaisance attendue. Les organisateurs eux-mêmes, semble-t-il, l’avaient convié en pariant sur l’exportation de ses critiques acerbes, celles-là mêmes qu’il adresse sans ménagement au sélectionneur national, aux joueurs ou au championnat algérien. Ils pensaient sans doute que l’aiguisement de son verbe ferait le spectacle. Ils ignoraient qu’au-delà de la rudesse de ses diatribes, c’est un patriotisme profondément enraciné qui anime l’homme.
Bencheikh n’a rien exporté, si ce n’est son amour indéfectible pour l’Algérie. Sur les plateaux, il n’a jamais esquivé sa verve habituelle, mais il l’a mise au service de la défense de son pays et de son équipe, sans céder un pouce aux attentes implicites de ceux qui l’avaient invité. Il n’a pas travesti son discours, encore moins son identité. Au contraire, il l’a affirmée, crûment parfois, toujours sincèrement. Et c’est sans doute là que réside la force tranquille de l’ancien maestro du rectangle vert, dans cette capacité à rester lui-même, contre vents et courants, même lorsque les projecteurs étrangers se braquent sur lui.
Plus remarquable encore fut son refus catégorique de renier sa langue. Alors que nombre d’Algériens, dès qu’ils franchissent le seuil d’un média arabe, se mettent à singer l’accent égyptien ou libanais, comme s’il fallait, pour être audibles, se travestir linguistiquement, Bencheikh a choisi la fidélité. Il a parlé l’algérois, sans artifice ni retenue, obligeant ses interlocuteurs à l’écouter dans sa singularité, à comprendre et à assimiler un parler trop souvent perçu comme marginal dans l’espace médiatique arabe. En cela, il a accompli un acte de résistance culturelle, celle de rappeler que la dignité commence par la langue que l’on porte, et que la reconnaissance passe par l’affirmation de soi, non par l’imitation servile.
A l’heure où tant cherchent à se diluer pour plaire, Ali Bencheikh a rappelé ce que signifie représenter un pays. Non pas se conformer, mais assumer, défendre, exposer avec fierté la couleur, le grain et la musicalité propres à son identité. En brandissant son algérianité au milieu de l’arène médiatique arabe, il a offert une leçon de courage tranquille et de cohérence rare.
Bravo, donc, à l’ancien virtuose du Mouloudia. Par son franc-parler, son attachement indéfectible au pays et la noblesse discrète de son attitude, il a rendu à l’Algérie une part de son éclat. Et cela mérite bien plus qu’un simple hommage.
M. A.-A.


