Accord UE-Maroc : WSRW dénonce les «tromperies» de la Commission européenne
L’ONG Western Sahara Resource Watch (WSRW) a alerté jeudi sur les arrangements apportés par la Commission européenne à l’accord commercial UE-Maroc incluant les territoires occupés du Sahara Occidental, indiquant que la Commission tente de tromper des Etats membres au sujet du processus de consultation initié pour se «conformer» à l’arrêt de la Cour européenne de justice (CJUE) de décembre 2016 qui avait rejeté l’inclusion du Sahara Occidental dans l’accord d’association UE-Maroc.
«La Commission européenne tente de faire passer un nouvel accord commercial avec le Maroc pour le territoire du Sahara Occidental, au mépris de l’arrêt de la Cour de justice de l’UE de 2016», a tenu à dénoncer l’ONG d’un communiqué diffusé jeudi soir sur son site internet, précisant que les Etats membres devraient voter sur les arrangements commerciaux en question le 11 juillet prochain.
Selon la même source, la Commission européenne avait envoyé, le 11 juin dernier, un projet d’amendement aux protocoles commerciaux UE-Maroc aux Etats membres de l’UE et au Parlement européen pour approbation.
La proposition vise, a précisé le communiqué, à étendre la portée de l’accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental occupé, et ce, de manière à contourner l’arrêt de la Cour de justice européenne.
L’arrêt en question datant de décembre 2016 stipulait qu’aucun accord de commerce ou d’association UE-Maroc ne peut être appliqué au Sahara Occidental, sauf avec le consentement du peuple du territoire sahraoui, qui revendique, souligne le texte, à ce jour son droit à l’autodétermination comme le prévoient les résolutions et les textes des Nations unies.
Western Sahara Resource Watch a ajouté que la proposition d’amendement de la Commission était accompagnée d’un document de travail visant à justifier l’inclusion du territoire non autonome du Sahara Occidental dans un accord commercial avec le Maroc.
Dans le document en question, la Commission a présenté la proposition comme étant «bénéfique pour les populations locales», sans soutenir cette affirmation par des analyses ou des statistiques, a précisé l’ONG.
Cette mention de «bénéfique pour les populations locales» ne correspond pas aussi aux exigences de l’arrêt de la Cour de justice européenne. Celle-ci avait jugé que la question «des bénéfices n’était pas pertinente» (article 106 du jugement).
Ce qui compte, selon l’arrêt, c’est que le peuple du Sahara occidental consente pleinement à ce qu’un accord européen soit appliqué sur son territoire.
A cet effet, la mention de la Commission d’un «large soutien» en faveur d’un nouvel accord commercial avec le Maroc «est tout à fait incorrecte», a tenu également à dénoncer l’ONG.
Avançant ses arguments, l’Organisation a fait savoir que sur «94 des 112 organisations que la Commission avait inscrites dans son annexe comme consultées n’ont jamais été invitées à une réunion de consultation et qu’elles n’ont jamais été contactées par la Commission ou ont refusé de rencontrer la Commission».
Dans ce sillage, l’ONG a fait observer qu’«aucune organisation ou individu pro-autodétermination n’avait pris part à l’exercice de consultation», soulignant avec force que ce processus initié par la Commission n’avait jamais été recommandé par la Cour de justice européenne dans son jugement.
Des Etats européens mal conseillés
Concernant les capitales européennes qui ont été «trompées» par la Commission au sujet de ces amendements, l’ONG a cité plus particulièrement le cas de Berlin en s’appuyant sur les déclarations de Niels Annen, ministre allemand des Affaires étrangères prononcées lors d’une audition devant le Bundestag au sujet de cet amendement.
«Le gouvernement fédéral a demandé à plusieurs reprises à la Commission et au service juridique de la Commission de confirmer que l’adaptation de la proposition d’étendre l’accord commercial UE-Maroc au Sahara Occidental est conforme aux exigences de la Cour européenne de justice», avait affirmé le chef de la diplomatie allemande.
Cet attachement exprimé par Berlin pour la prise en compte du jugement de la Cour dans l’extension de l’accord au Sahara Occidental avait été pourtant exprimé, selon l’ONG aux diplomates et responsables français.
«Dans nos discussions et dans notre communication avec la Commission, nous avons pointé et souligné à plusieurs reprises que le jugement (de la Cour de justice européenne) doit être pris en compte», avait ajouté le chef de la diplomatie allemande, réagissant aux questions des parlementaires.
Se référant toujours aux informations reçues de la part de la Commission, le ministre allemand des Affaires étrangères avait déclaré aux parlementaires du Bundestag que «le Polisario avait pris part au processus de consultation, au moins sur le plan technique».
Commentant ces déclarations, l’ONG a relevé que le gouvernement allemand a été «mal conseillé par la Commission européenne sur la question du consentement».
Pour l’Organisation, la Commission avait engagé «un processus de consultation a posteriori d’acteurs marocains non représentatifs du peuple du Sahara Occidental».
Formelle sur ce point, Western Sahara Resource a fait savoir aussi que le Front Polisario «n’a jamais participé à une telle consultation», invitant le chef de la diplomatie allemande à demander à la Commission d’obtenir «le consentement du peuple» sahraoui comme l’exige la Cour de justice, au lieu de lancer des consultations avec des acteurs non représentatifs.
Récemment, le ministre délégué, représentant du Front Polisario en Europe, Mohamed Sidati, a exhorté les Etats membres de l’UE et le Parlement européen (PE) à «ne pas cautionner» la proposition d’amendement de l’accord d’association UE-Maroc, présentée par la Commission européenne, affirmant que celle-ci «viole» le droit européen et international.
«Nous sommes bien face à une situation d’illégalité et d’injustice, et nous demandons solennellement aux institutions de l’UE, aux Etats membres du Conseil et aux membres du Parlement, de ne pas cautionner ce type d’amendement qui viole sans équivoque le droit européen et le droit international», a-t-il souligné, dans une déclaration publiée après l’adoption par la Commission européenne de l’accord passé entre l’UE et le Maroc, sous forme d’échange de lettres, sur la modification des Protocoles n1 et n4 à leur accord d’association visant à inclure le Sahara Occidental.
Regrettant le choix du «passage en force» fait par l’exécutif européen qui a décidé de passer outre les décisions de la CJUE, «en cherchant à gagner du temps et en prolongeant la violation des droits et les souffrances du peuple sahraoui», Mohamed Sidati a averti que le Front Polisario «exercera tous les recours nécessaires devant la CJUE pour faire triompher le respect des droits du peuple sahraoui».
R. I.
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