Aline de Diéguez : «Le boom démographique palestinien affole les Israéliens» (III)

Des filles palestiniennes se battant contre des soldats de Tsahal. D. R.

Dans votre analyse intitulée La légende dorée du sionisme, vous avez prédit la chute de l’Etat sioniste, comme toute idéologie politique ou religieuse à travers le monde. Quelles sont les indicateurs qui confirmeraient le déclin de cette entité aujourd’hui hégémonique ?

Aline de Diéguez : L’Histoire enseigne que seul l’échec de son entreprise bloque l’expansion impérialiste naturelle des peuples. Louis XIV a fini par perdre les provinces conquises en Helvétie et en Wallonie, Napoléon a terminé sa vie sur l’îlot de Sainte-Hélène, la révolte de son armée a mis fin à l’extraordinaire épopée d’Alexandre en Asie, l’empire ottoman n’existe plus, le royaume chrétien de Jérusalem n’est plus qu’un souvenir dans les livres d’histoire, il ne reste rien de l’empire de Charles Quint, le IIIe Reich est mort, le marxisme s’est écroulé comme un château de cartes. Après l’échec de la guerre du Vietnam, l’Amérique est en passe de devoir admettre qu’elle subit le même type de déroute en Irak et en Afghanistan et que son rêve de «remodeler le Grand Moyen-Orient» est à ranger dans le magasin des accessoires. Le rêve d’un empire sioniste rejoindra le grand cimetière des éléphants politiques.

Le mythe est le destin de l’actuel Etat d’Israël et sa carapace mentale, mais il est également son talon d’Achille. La véritable arme de destruction massive, la plus sophistiquée et la plus meurtrière d’une colonie de peuplement qui se veut en expansion, est l’arme des pauvres, l’arme qu’aucune bombe n’arrêtera, l’arme qui explosera dans les statistiques et dans les rues : la multiplication des bébés. C’est la botte secrète des Palestiniens. A Ghaza, la moitié de la population a moins de 18 ans. La démographie a toujours été la clé de la survie d’une nation et la condition de son développement. Le boom démographique palestinien affole Israël. Il s’amplifie malgré ses tentatives les plus sadiques de nuire à la santé des mères, de les empêcher de se soigner et même d’accoucher dignement en les bloquant volontairement à des barrages barbares. Le ventre des femmes, voilà l’ennemi, l’usine à fabriquer des terroristes. Les appels à l’immigration ne sont plus entendus. Les derniers missiles du Hamas seront encore plus dissuasifs sur les candidats potentiels. Israël ne sait pas comment désamorcer la bombe démographique palestinienne. C’est pourquoi l’apparente phase ascendante de l’expansion impériale d’Israël est trompeuse. Comme la locomotive de la Bête humaine, le train du grand rêve sioniste est lancé dans une fuite en avant désespérée.

Verrons-nous un jour les deux peuples palestinien et israélien vivre côte à côte, en paix et en toute sécurité ?

Comment croire que l’Etat-bourreau met la corde au cou à tout un peuple, l’affame, l’assoiffe, le pilonne, l’empêche de se soigner, de se déplacer, martyrise et terrorise ses enfants et les empêche d’étudier, l’emmure, vole l’argent de ses impôts, le soumet à l’arbitraire de colons féroces, armés et casqués comme des martiens et de policiers brutaux et sadiques aux check-points, blesse, humilie et assassine, l’Etat qui bombarde la seule centrale électrique de la région, qui déracine les merveilleux oliviers centenaires pour édifier sa muraille, l’Etat qui dévaste les vergers et les cultures d’un peuple colonisé et emprisonné, qui vole ses terres, son eau, ses ressources, qui poursuit la colonisation, écrase les maisons au bulldozer, empêche les agriculteurs de travailler, défonce les routes, détruit les infrastructures, les récoltes, ravage le port, l’aéroport, les terrains de sport et les aires de jeu, bombarde la plage, les bateaux de pêche, pilonne même les hôpitaux, les écoles et les ambulances, laisse le champ libre à ses snipers assassins, empoisonne la population de Cisjordanie à petit feu en se débarrassant de ses déchets toxiques dans les territoires palestiniens au mépris de la protection de l’environnement et des nappes phréatiques, invente chaque jour de nouvelles brimades et de nouvelles humiliations, que cet Etat-là, qui qualifie la résistance héroïque de «terrorisme», puisse un jour se métamorphoser en un voisin normal capable d’accepter gentiment à ses côtés un Etat qu’il déteste et méprise, et une population qu’il rêve de voir s’évaporer ou disparaître sous terre et dont la seule existence constitue un obstacle infranchissable à son rêve de conquête d’un empire sioniste incluant la totalité de la Palestine, le Liban, l’Irak, une partie de l’Egypte et même plus. Israël a donc tenté – et partiellement réussi pendant un certain temps – à occulter les circonstances de son installation et les massacres qui l’ont accompagnée : Deir Yassine,  Haïfa, Jaffa, Acre, Oum Al-Fahem, Al-Ramla, Al-Daouayma, Abou Shousha, Jénine, Ghaza et tant d’autres ont crié dans le désert. Alors qu’Israël se proclame menacé par des forces obscures et féroces qui voudraient «rejeter sa population à la mer», comme il dit, on voit jour après jour se produire exactement le contraire : à savoir le bulldozer israélien comprimer la population palestinienne dans un espace de plus en plus resserré et multiplier les colonies selon un plan longtemps mûri à l’avance. Les plans des trois mille logements dont Benjamin Netanyahou annonce la construction en représailles à la récente attribution par l’ONU du statut d’un Etat observateur non membre à la Palestine ne sont évidemment pas sortis d’un tiroir durant la nuit. D’autres projets de ce genre existent évidemment déjà et n’attendent que l’occasion d’être annoncés.

Les Palestiniens sont le miroir dans lequel Israël voit son péché. La laideur de l’image que le miroir lui renvoie révolte la «belle âme» victimaire israélienne, et la pousse, tel le Dorian Gray d’Oscar Wilde, à vouloir briser ce miroir. Jamais Israël ne pardonnera aux Palestiniens les meurtres qu’il commet sur eux et tous ceux qu’il rêve de commettre. Mais comment réussir à tuer discrètement quatre millions d’individus sans susciter un scandale international et passer du stade officiel de victime à celui de bourreau alors que le statut de victime est si confortable et si rentable ? Les gouvernements israéliens successifs sont taraudés par une seule obsession : comment se débarrasser des Palestiniens. Dans l’immédiat, ils rêvent non pas de vivre à côté d’eux ou de partager un même Etat, mais de les exporter tous en Jordanie avec l’aide du grand «démocratiseur» du Moyen-Orient dont les pieds ne touchent plus terre : l’omniprésent cheikh du Qatar qui vient de démontrer ses qualités de démocrate et de connaisseur littéraire en faisant condamner à la prison à vie un poète dont il n’aime pas les vers.

Tant qu’Israël sera relié au cordon ombilical nourricier des dollars qui coulent à flot des banques dorées américaines, son obstination et son arrogance continueront comme devant et ce ne sont pas les couinements de Paris, de Londres, de l’Union européenne et même de Washington qui bouleverseront les projets d’un Benjamin Netanyahou qui proclame fièrement que la décision de l’ONU est une «attaque contre le sionisme et contre l’Etat d’Israël qui doit nous conduire à augmenter et accélérer la mise en œuvre des plans de construction dans toutes les zones où le gouvernement a décidé de bâtir».

Les conséquences du vote du 29 novembre…

Il est toujours bon d’emmagasiner un avantage. Cependant, l’importance majeure de ce vote réside dans la défaite diplomatique d’Israël, qui a entraîné à sa suite celle des Etats-Unis. Un seul petit Etat européen a rejoint le camp américano-sioniste. Les microscopiques îlots du Pacifique financés par l’oncle Sam ne sont là que pour donner automatiquement cinq voix assurées à la position des Etats-Unis. Malgré un forcing acharné des ambassadeurs en poste dans toutes les capitales, le vote des Etats européens a stupéfié et déçu les pro-israéliens. «Nous avons perdu l’Europe», se lamentait le Crif français.

«C’est toujours bon à prendre, mais ce n’est pas ça qui mettra fin à l’occupation», tel était le sentiment général des Palestiniens, échaudés par les dizaines de textes sortis des imprimeries de l’ONU et demeurés sans le moindre effet sur le terrain. Ce nouveau statut ouvre des droits nouveaux pour les Palestiniens, encore faut-il les revendiquer. La seule arme sérieuse des Palestiniens serait de ratifier le Statut de Rome et d’accéder ainsi au droit de porter plainte contre les Israéliens devant la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre commis à Ghaza, pour la construction illégale de colonies en Cisjordanie occupée ou pour le mur monstrueux édifié sur leurs terres. Mais Mahmoud Abbas a déjà annoncé qu’il n’utiliserait cette arme que pour les crimes à venir et François Hollande essaie d’atténuer le vote positif de la France en demandant aux Palestiniens de retourner à la fameuse «table» des négociations sans conditions.

C’est donc une victoire symbolique pour la Palestine – mais les symboles sont importants. Elle remet Mahmoud Abbas en selle alors qu’il était au fond du gouffre après ses déclarations sur le non-retour des réfugiés à la télévision israélienne. On peut espérer sans trop y croire qu’il saura utiliser ce succès pour aider à rompre le criminel blocus de Ghaza et parvenir enfin à une unification de tous les mouvements palestiniens. Espérons qu’il dissoudra enfin sa milice au service de l’occupant qui traque, maltraite et emprisonne les résistants de Cisjordanie. Espérons également qu’un nouveau cycle de vingt ans de vaines «négociations» n’est pas au bout de la route.

Si telle était l’intention de M. Abbas, les résistants de Ghaza qui viennent de payer un lourd tribut à la barbarie de l’Etat israélien, et pour la deuxième fois en quatre ans, sauront d’autant mieux faire entendre leur voix. D’ailleurs, Mme Leïla Shahid, déléguée générale de l’Autorité palestinienne auprès de l’Union européenne, et devenue ambassadrice de Palestine depuis le 29 novembre, a déclaré, lors d’un entretien à la RTBF, que «la stratégie de la négociation avec Israël est un échec». «Nous avons commencé à négocier à Madrid en 1990, (…) on a arrêté la lutte armée, (…) et Israël nous a donné une claque», constate-t-elle. «Dites-moi à quoi ont servi les négociations pendant vingt ans ?» Si une partie d’un Fatah de Cisjordanie jusqu’alors amorphe et collaborationniste se joint aux résistants de Ghaza, l’espoir renaîtra en Palestine. Je termine ce dialogue comme je l’ai commencé avec un conseil du grand stratège chinois Sun-Tzu : «La prudence et la fermeté d’un petit nombre de gens peuvent venir à bout et dompter même une nombreuse armée.»

Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi

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http://Aline de Diéguez : « Le sionisme puise sa puissance des banques anglo saxonnes » (II)

Commentaires

    LE PATRIOTE
    9 décembre 2012 - 21 h 39 min

    CETTE GRANDE DAME SEMBLE
    CETTE GRANDE DAME SEMBLE CONNAITRE AUSSI BIEN L ÂME JUIVE QUE
    LE GÉNIE SATANIQUE SIONISTE; SON ANALYSE BASÉE SUR LES FONDEMENTS IDÉOLOGIQUES POLITICO-RELIGIEUX DE L ÉTAT
    D ISRAËL DÉMONTRE AVEC CLARTÉ CETTE AMBIVALENCE ENTRETENUE PAR
    L ÉTAT HÉBREUX SE DISANT DÉMOCRATIQUE ET BÉNI PAR LA DOXA OCCIDENTALE VOIR; L EXEMPLE DU SEUL ÉTAT MODERNE DANS LA RÉGION CETTE ENTITÉ RACISTE IMPLANTÉE AU MOYEN ORIENT A CONSTRUIT DANS CE LIEU, BERCEAU DES RELIGIONS DES STRATÉGIES DESTRUCTIVES AIDÉE EN CELA PAR DES PUISSANCES IMPÉRIALES EN MAL DE DOMINATION ET LES MONARCHIES ARABES DÉCADENTES IMPLANTÉES ELLES AUSSI AU LENDEMAIN DE LA 2° GUERRE MONDIALE
    DANS LE BUT ET AU MÊME TITRE QU ISRAËL POUR PROTÉGER LES INTÉRÊTS STRATÉGIQUES DE L OCCIDENT PRÉDATEUR.JE PARTAGE ENTIÈREMENT LA CONCLUSION D ALINE DE DIEGUEZ ET SOUSCRIT A LA
    DÉMARCHE DE CONTINUER LA LUTTE HÉROÏQUE DU GRAND PEUPLE PALESTINIEN MAIS AVEC DE NOUVEAUX LEADER DE LA GÉNÉRATION MONTANTE SANS MECHAEL ET ABBÉS ET LEURS COMPLICES QUI DEPUIS OSLO ONT ENTAMES DES LUTTES RÉGRESSIVES.

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