Saïd Mekbel : lettre d’outre-tombe…
Je vous le dis confrères, journalistes de tous bords, que c’est de certains d’entre nous que j’ai le plus à craindre, bien plus peut-être que des adeptes de Hachani et des vigiles de Mohamed Saïd. Ceux-là du FIS, sont nos adversaires. Ils savent que nous nous battrons toujours contre eux et que nous encouragerons le plus grand nombre à lutter. Ceux-là du FIS, nous n’avons rien à attendre d’eux qui ne soit déjà à nous. Mais de certains d’entre nous, confrères, qui ont applaudi Merbah, après avoir léché Brahimi avec la même langue qui a léché Abdelghani, qui ont insulté Merbah pour mieux embrasser Hamrouche, qui ont acclamé Ghozali pour mieux gifler Hamrouche… Ceux-là de nos confrères qui portent toujours sur eux la boîte d’encens qui a servi à parfumer Chadli après Boumediene, après peut-être Ben Bella, avant de servir à nouveau pour encenser le prochain président… Ceux-là de nos confrères qui parlèrent tant de liberté, de démocratie, de justice, des droits de l’Homme, de dignité, quand il n’y avait aucun danger à le faire. Ce sont ceux-là dont certains déjà retournent la veste, qui sauront écrire les articles qui serviront mieux les nouveaux maîtres, iront fouiller les poubelles des bibliothèques pour mieux alimenter leur propagande, mettront un zèle extrême à les servir, à leurrer et à tromper l’opinion et, pourquoi pas, à nous accabler et à nous désigner aux bourreaux… Ceux-là, dont nous avons aussi à craindre, qui, impuissants à se former les crocs pour se défendre, ont plutôt appris à bêler pour sauver la laine de leur dos. Ceux-là qui déjà s’agenouillent et se prosternent, offrant aux nouveaux maîtres ce petit trou de balle qui leur sert de nombril et qui a déjà évacué ce qui leur restait de dignité.
Saïd Mekbel, 3 janvier 1992