Comment les islamistes ont fait croire qu’ils étaient majoritaires
L’arrogante assurance avec laquelle les partis islamistes annonçaient leur victoire aux législatives du 10 mai n’était pas fortuite. Beaucoup d’indices montrent que cette mouvance a, à tort, cru en ces chances de remporter la majorité sans coup férir. Mais c’était sans compter sur un élément qui lui échappe depuis les élections de juin 1991 qui avait permis au FIS de rafler les deux tiers du parlement. En décembre 1991, sur plus de 13 millions d’électeurs inscrits, le FIS avait remporté 188 sièges bien que n’ayant obtenu qu’un peu plus de trois millions de voix. A l’époque, près de 5 millions et demi d’électeurs n’avaient pas voté et près de 900 000 cartes d’électeur n’avaient pas été distribuées. Le FIS avait pourtant recouru à une fraude massive rendue possible par une administration locale dont la majorité était présidée par des élus de ce parti. Une fois les résultats du premier tour des législatives annoncés, les autorités, les médias et une écrasante majorité des citoyens, affolés par la fulgurante montée de cette mouvance qui promettait d’enterrer la démocratie à jamais une fois au pouvoir, s’étaient focalisés sur les circonstances dans lesquelles ce scrutin s’était déroulées. «Elles ne sont ni propres ni honnêtes», dénonçait le chef du gouvernement de l’époque, Sid-Ahmed Ghozali. Or, par-delà la manipulation des opérations électorales par le FIS, donnant lieu à plus de 300 recours, les observateurs de la scène politique nationale ne s’étaient pas concentrés sur les chiffres eux-mêmes, qui prouvaient, d’une façon on ne peut plus claire, que le FIS était largement rejeté par la société. En effet, sa victoire, bien qu’acquise par la menace et la surenchère métaphysique, était toute relative, puisque dix millions d’Algériens en âge de voter ne lui avaient pas donné leur voix. Plus de vingt ans plus tard, les islamiste reviennent sur terre et appellent, par la voix d’un ancien du FIS exilé en Allemagne, à une «2e République» fondée sur «une légitimité populaire conforme aux normes existentielles de la démocratie». Le vote par la menace les ayant sortis du jeu politique en 1992, les islamistes usent d’un ton apaisant mais continuent, néanmoins, de voir dans chaque fidèle qui fréquente la mosquée un électeur potentiel. Les 47 sièges obtenus au forceps, avec à peine 475 049 voix sur 21 645 841 électeurs inscrits, par une coalition de trois partis islamistes, sonnent le glas de cette mouvance définitivement disqualifiée par les Algériens.
Sarah H.
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