Octobre 88 : «Benhadj responsable des victimes de Bab El-Oued»
Dans cette quatrième partie de son interview à Ennahar TV, le général Khaled Nezzar est revenu longuement sur les événements tragiques d’Octobre 1988, en soutenant que l’armée «n’avait pas commis de dépassements au regard des lois et règlements traitant du maintien de l’ordre. Malgré la complexité de la situation, nous avons eu à déplorer, du 6 au 10 octobre, 8 à 10 morts au niveau de la capitale, la majorité, quant à elle, était tombée au cours de la journée du 10, et ce, par la faute d’Ali Benhadj qui n’a pas respecté l’interdiction de manifester». Le nombre total de victimes a atteint 56. Khaled Nezzar, alors chef des forces terrestres, avoue qu’il était lui-même surpris par l’ampleur prise par les événements. «Les affrontements s’étaient déclenchés à 10h précises et sur l’ensemble du territoire national, comme si les gens s’étaient donné le mot, raconte-t-il. La police était dépassée. A midi, j’ai été reçu à la Présidence par le président Chadli, lequel m’a confié la responsabilité de rétablir l’ordre et la sécurité dans la ville d’Alger, alors que celle de l’ensemble du territoire national était confiée au général-major Abdallah Belhouchet, en sa qualité de chef d’état-major de l’ANP». Khaled Nezzar avouera encore que la tâche «était loin d’être une sinécure, surtout que nous ne disposions plus de troupes dans les casernes de la capitale, cédées, quelque temps avant, à des établissements civils». «Au cours des événements, indique-t-il, j’ai rassemblé et constitué à la hâte un état-major pour traiter de toutes les questions relevant de l’état de siège, d’autant que les responsabilités de police étaient de ce fait dévolues à l’armée. Il a fallu demander des unités de l’intérieur du pays. Ces unités venues de Béchar, de Djelfa et de Biskra, ne connaissaient pas la ville d’Alger, mais ont réussi tout de même à protéger tant d’édifices publics et de symboles de souveraineté, dans une conjoncture exceptionnelle». A propos du nombre de victimes de ces événements, le général Nezzar explique avec détail qu’avant le 10 octobre, le premier était tombé devant un char, aux environs de la place du 1er-Mai, «alors qu’il avait en main un cocktail Molotov», en plus de deux frères et de deux autres personnes mortes brûlées à l’intérieur d’un Souk El-Fellah, lequel, comme tous les autres, était en proie à des actes de pillage. Rappelant le rôle constitutionnel de l’armée, Nezzar souligne que les forces armées avaient appliqué les lois en vigueur partout ailleurs, précisant que le peuple était en symbiose avec son armée : «La population avait pris totalement en charge les militaires en mettant à leur disposition les cafés et les hammams et on entendait même des gens scander El-Khadra oui, Ezzerga non !»
«La catastrophe», «le drame» eut lieu le 10 octobre, raconte l’ancien chef des forces terrestres, suite à la marche des islamistes qui étaient fortement mobilisés ce jour-là. «C’est le directeur de la sécurité, Lakehal Ayat, qui m’en informa ; le rassemblement était autorisé par l’échelon supérieur. Malgré mon interdiction du fait de l’état de siège, ce rassemblement eut lieu à la place du 1er-Mai. Il y avait au début une intervention de cheikh Ahmed Sahnoun qui réussit à calmer une bonne partie des manifestants, mais les autres, encadrés par des éléments connus pour leur violence, ont poursuivi leur marche sous la houlette d’Ali Benhadj, jusqu’à Bab El-Oued. Le général à la retraite précise qu’il avait donné ordre de ne pas intervenir, «attestent les photographies prises du ciel qui existent encore», indique-t-il. «A leur arrivée au niveau des Trois Horloges, ils tentèrent de prendre en tenaille des militaires postés à cet endroit. Se sentant menacés, les militaires, après avoir utilisé leur haut parleur en vain, procédèrent aux tirs de sommation. Les manifestants paniqués, refluèrent vers la place de la DGSN distante d’à peine de 200 mètres. L’irréparable a eu lieu à cet endroit-là, siège de la DGSN où se trouvaient aussi des gendarmes et des militaires. Des tirs de provocation venant de manifestants infiltrés entraînèrent une riposte incontrôlée de tous les services de sécurité se trouvant sur la place. Sur place, 39 morts furent enregistrés ainsi qu’un certain nombre de blessés. Dans ce cas de figure, il aura fallu d’un seul tir pour entraîner une telle catastrophe», explique le général Nezzar, avant de conclure avec cette sentence sans appel : «Ali Benhadj assume évidemment la responsabilité de ce qui s’est passé. Plus tard, il faillit recommencer, si ce n’était notre intervention puis, enfin, celle d’Abassi Madani».
Farouk G.
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