Khaled Nezzar révèle comment Hassan II a voulu se servir de Layada
La huitième partie des entretiens accordés par le général-major Khaled Nezzar à la chaîne algérienne de télévision privée Ennahar, comporte, notamment, les péripéties qui ont conduit à l’arrestation du chef du GIA, Abdelhak Layada. D’abord, sa localisation dans un hôtel à Oujda, au Maroc, où il s’était enfui, puis les laborieuses discussions avec les responsables marocains pour obtenir son extradition vers notre pays. Le général Nezzar revient sur son entrevue avec le roi Hassan II à la demande de ce dernier, l’objet étant le sort de Layada, avec en toile de fond l’affaire du Sahara Occidental. L’intention des Marocains était d’utiliser la «carte» Layada pour faire pression sur l’Algérie à propos du Sahara Occidental. Le roi renonça vite à cette sorte de marchandage devant la fermeté du général Nezzar sur ce point, mais aussi en prenant connaissance d’informations données par l’Algérie sur l’activité terroriste au Maroc. Le général Nezzar commence par rappeler que Layada était responsable du GIA à Alger et qu’il était localisé et sous contrôle des services des renseignements algériens. Puis, soudainement, Layada a disparu. «Trois ou quatre jours après, nos services l’ont localisé Oujda, dans un hôtel où nous avons confirmé sa présence», raconte le général Nezzar. «Il y avait, souligne-t-il, deux voies pour le récupérer : soit par nos propres moyens et sans que les Marocains le sachent – c’était possible –, ou en informant les Marocains. Nous avons préféré prendre contact avec les Marocains et c’est moi-même qui l’ait fait en appelant au téléphone Driss Basri (ministre marocain de l’Intérieur à l’époque, aujourd’hui décédé, ndlr) avec qui j’ai parlé en faisant allusion à un problème de sécurité concernant les deux pays.» Après cette conversation téléphonique, le général Smaïn s’est déplacé au Maroc pour évoquer le cas Layada. «De plus, ajoute le général Nezzar, nos services ont découvert qu’il y avait sur le territoire marocain deux dépôts d’où partaient des armes qui entraient en Algérie.» Quand le général Smaïn a donné aux responsables marocains toutes ces informations, Driss Basri a contacté le général Nezzar pour lui dire que le roi souhaitait le voir. «Dans quel but ?» se sont interrogés les responsables algériens. La question du Sahara Occidental est apparue comme le principal motif de cette demande du roi de rencontrer le général Nezzar, «ou alors voulait-il faire la connaissance des officiers de l’ANP qui étaient en face de son armée à Tindouf ?» s’est interrogé l’ancien ministre de la Défense. Le général Nezzar est donc allé voir le roi : «Il m’a reçu durant deux heures dans son bureau dont j’ai retenu la simplicité de l’ameublement de fabrication marocaine», raconte-t-il. Il relève que «le roi a commencé par dire que la sécurité est un tout, allusion au Sahara Occidental». «On en a beaucoup parlé, j’étais préparé à cette discussion», ajoute-t-il. Le général Nezzar rassure le roi : «Notre génération ne fera jamais la guerre au Maroc, un pays voisin, qui nous a aidés durant la lutte armée pour l’Indépendance.» La position algérienne sur le Sahara Occidental exposée par le général n’avait pas l’air de plaire au roi : «Il se leva, mettant fin brusquement à la discussion», raconte le général Nezzar. Hassan II accompagna son hôte jusqu’à la villa où devait être pris le repas. «En marchant, je lui ai dit que ce type (Layada) n’était qu’un tôlier et qu’il fallait nous le livrer», poursuit le général dans son entretien à Ennaahar TV. Le roi a, alors, appelé Driss Basri pour lui donner ses instructions. «Je suis resté avec Driss Basri et lui ai rappelé les instructions du roi. Il m’a répondu que le cas Layada n’était pas facile. Je suis alors rentré au pays. Quinze jours plus tard, je fus informé que Layada n’était pas en prison mais dans une villa. J’ai appelé Driss Basri au téléphone pour le lui dire, il répondit que c’était un problème humanitaire et qu’il fallait que Layada contacte sa famille. En même temps, je voulais lui signifier que nous savions ce qui se passait chez eux». De passage à Alger, Boutros Ghali (ex-secrétaire général de l’ONU) fit part verbalement au général Nezzar d’un message du roi : «Patience, vous recevrez votre amana (allusion à Layada).» Effectivement, poursuit le général Nezzar, «trois mois plus tard, le parlement décida de livrer Layada à l’Algérie». Le roi voulait exploiter la «carte» Layada pour une sorte de chantage sur le Sahara Occidental, mais d’autres données l’en ont dissuadé, notamment l’existence de dépôts d’armes utilisés par les terroristes et l’implication de Marocains complices d’Algériens dans l’envoi d’armes vers l’Algérie.
A propos du Sahara Occidental
La construction par les Marocains du mur (avec des mines, des obstacles électrifiés et divers moyens électroniques) a été, selon le général Nezzar, «le grand tournant qui nous a mis dans la situation actuelle». «Le problème du Sahara Occidental, estime-t-il, aurait peut-être été réglé à ce moment-là.» Le Maroc ne pouvait pas construire le mur sans avoir eu recours aux forces qui étaient dirigées contre l’Algérie. Alors, poursuit le général Nezzar, «le roi a mis en œuvre ce que nous avons appelé la politique de charme pour pouvoir déplacer ces forces en évitant de créer des risques sur son flanc nord». «Nous étions, dit-il, opposés à la construction du mur par le Maroc. Pour cela, il y avait des actions à mener. Nous avons demandé des renforts. Chadli était venu à Béchar et nous lui avons présenté notre démarche qu’il a acceptée. Il nous a envoyé les renforts demandés, mais cette démarche n’a finalement pas été appliquée.» Il rappelle qu’au début du conflit entre le Maroc et le Front Polisario, le Maroc ne maîtrisait pas la situation et les Sahraouis étaient plus forts au point de réussir à faire un grand nombre de prisonniers marocains.
Ramdane O.
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