Qui a «tué» le Président ?
Cette question n’a même pas lieu d’être, à vrai dire. Bouteflika s’est «tué» lui-même. Après un premier mandat fait de laïus, de déplacements sans fin à travers le pays – sa forme physique le lui permettait encore –, d’inaugurations de gigantesques comme de menus projets qui normalement reviennent à de simples élus locaux, le président de la République s’est peu à peu retiré de la vie publique, vivant reclus dans une espèce d’ermitage, entouré par un cercle réduit d'intimes et de quelques conseillers. Les Algériens qui s’étaient habitués à voir leur Président parcourir le pays inlassablement de bout en bout, leur servant des discours tantôt rassérénants, tantôt atterrants, n’en voient plus que l’ombre, l’apparence. Apparaissant de moins en moins en public, Bouteflika résume sa mission de chef d’Etat à un exercice protocolaire pur, souhaitant la bienvenue aux ambassadeurs nouvellement accrédités et saluant les partants, adressant des messages de félicitations et de condoléances à ses homologues, s'adonnant à d'interminables accolades les jours d'Aïd, nommant et dégommant les ministres au gré des entrechoquements d’intérêts entre les différents protagonistes du système et téléguidant de loin un pays qui se porte mal, à la veille de la fin d’un troisième mandat qui s’achève sur une note de désespoir pour les Algériens. Bref, une présence que seule la télévision (publique ?) continue d’assurer au travers d’images tellement désuètes qu’on a du mal à croire qu’elles ne sont pas tirées de vieilles archives poussiéreuses. Les Algériens attendent de leur Président qu’il aille de nouveau vers eux et qu’il écoute ce qu’ils ont à lui dire sans passer par tous ces intermédiaires papelards qui déforment leurs doléances et les lui présentent comme des assistés et des incapables. Or, les assistés et les incapables, justement, sont ces «entre-deux» qui ont éloigné le Président de son peuple et inversement.
M. Aït Amara
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