Une pétition citoyenne contre les scandales de corruption
Inédit. Un groupe de citoyens, composé de syndicalistes, d’universitaires et de juristes, fait circuler sur le web une pétition contre la corruption en Algérie. Lancée dans le sillage des scandales en série qui touchent directement le Groupe Sonatrach, cette pétition s’adresse directement au ministre de la Justice, lui demandant de permettre la «constitution des citoyens en tant que partie civile contre les auteurs incriminés dans les affaires de corruption». Dans le long texte de la pétition, ils expliquent les motivations de leur démarche, affirmant qu’il s’agit d’un devoir que de participer à la lutte contre cette gangrène qui touche de plein fouet l’économie nationale. «Il est de notre devoir de citoyens de réagir pour un sursaut national afin de sauver la nation même si la réglementation algérienne, pour défendre les prédateurs, ne permet pas au simple citoyen de se porter partie civile. Nous devons, par l’intermédiaire de cette pétition, exiger que justice soit rendue et qu’elle punisse les responsables, commanditaires et profiteurs quels que soient leur statut ou rang», soulignent les initiateurs de cette pétition qui a recueilli, pour le moment, quelques dizaines de signatures dont des médecins, des enseignants, des ingénieurs, des retraités, des journalistes et des écrivains.
Sonia B.
Ci-dessous le texte de la pétition :
«Pétition citoyenne contre la corruption
Appel à signature pour la constitution des citoyens en tant que partie civile contre les auteurs incriminés dans les affaires de corruption
Nous les syndicalistes et militants des droits de l’homme qui sont traînés régulièrement en justice pour grève illégale, rassemblement illégal, atteinte à corps constitué, outrage à policier en exercice de ses fonctions, dégradation de biens publics, troubles à l’ordre public et qui attendons depuis des années que les différentes instances judiciaires tranchent et libèrent nos dossiers et notre avenir. Nous qui attendons en vain que la loi soit appliquée (enregistrement des organisations syndicales ou des associations, protection des délégués syndicaux et militants des droits de l’homme, respect de la règlementation dans les contrats de travail).
Nous les militants associatifs et activistes sur le terrain et sur la toile que l’on traine rapidement en justice pour atteinte au président de la République, atteinte à corps constitué, diffamation, atteinte à la sûreté de l’Etat et qui subissons des procès répétés ainsi que les mandats de dépôt et les décisions d’emprisonnement, avec sursis ou ferme, comme actes de représailles.
Nous les dénonciateurs d’actes de corruption qui subissons la répression des responsables des institutions dans lesquelles nous travaillons et qui subissons procès sur procès pour diffamation. Nous qui sommes pour la plupart licenciés et qui attendons en vain notre réintégration.
Nous les avocats qui vivons des tentatives de musellement pour réduire le droit à la défense des justiciables.
Nous les citoyens que la justice expulse des demeures qui abritaient tant bien que mal nos familles et ce, même en hiver avec l’intervention des forces de police.
Nous les chômeurs qui subissons les affres de la marginalisation et que l’on traduit en justice quand nous revendiquons notre part de dignité.
Nous les journalistes qui travaillons sous la menace de procès en diffamation à chaque fois que nous tentons de mener notre travail dans les règles de l’art.
Nous citoyens et citoyennes de ce pays, à qui est refusé ce statut de citoyen et que l’on traduit en justice pour la moindre critique émise et qui avons peur de la justice même si l’on est victime.
Nous tous qui regardons le silence complice de toutes les instances dans ce pays et particulièrement des instances judiciaires quand il s’agit d’affaires de corruption et de dilapidation des biens publics soulevées par la presse et concernant des personnalités et ministres.
Nous qui attendons vainement que les instances vouées théoriquement à la lutte contre la corruption à l’instar de l’Office central de lutte contre la corruption ne soient pas que de simples soporifiques destinés à la consommation externe.
Nous qui nous nous appuyons sur l’article 8 de la Constitution qui stipule, entre autres, que "le peuple se donne des institutions ayant pour finalité la protection de l’économie nationale contre toute forme de malversation ou de détournement, d’accaparement ou de confiscation illégitime", sur l’article 21 qui stipule que "les fonctions au service des institutions de l’Etat ne peuvent constituer une source d’enrichissement, ni un moyen de servir des intérêts privés", sur l’article 66 qui stipule que "tout citoyen a le devoir de protéger la propriété publique et les intérêts de la collectivité nationale, et de respecter la propriété d’autrui" et sur l’article 141 qui stipule que "la justice est rendue au nom du peuple".
Décidons que c’est à nous citoyens de réagir et obliger les pouvoir publics à incriminer les véritables auteurs de la corruption conformément à la loi du 20-02-2006 pour la prévention et la lutte contre la corruption issue de la CNUCC (Convention des Nations-Unies contre la corruption).
Pour lever toute équivoque nous sommes conscients qu’une grande partie des révélations relève beaucoup plus de coups portés entre clans que d’une volonté politique assumée de combattre la corruption. Il est clair pour nous que c’est parce que les choix faits depuis longtemps par le pouvoir algérien en matière de politique économique ont mis au centre la question du profit que la prédation s’est organisée et répandue, quelquefois sous l’habit de la réglementation et de plus souvent, impunité oblige, dans l’illégalité totale.
Il est de notre devoir de citoyens de réagir pour un sursaut national afin de sauver la nation même si la règlementation algérienne, pour défendre les prédateurs, ne permet pas au simple citoyen de se porter civile. Nous devons par l’intermédiaire de cette pétition exiger que justice soit rendue et qu’elle punisse les responsables, commanditaires et profiteurs quel que soit leur statut ou rang.
Tout signataire de la présente pétition doit indiquer nom et prénom, qualité, n° carte d’identité nationale, date et lieu de délivrance et le lieu de résidence afin de montrer que la peur doit habiter les délinquants et corrompus et non plus les citoyens. Cette pétition, pour peu qu’elle atteigne un chiffre significatif, sera déposée auprès des instances civiles concernées, elle ne restera pas un acte isolé et sans suite car nous savons par expérience que nous aurons droit aux promesses et déclarations solennelles qui resteront sans lendemain.»
Les signataires
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