Le choix d’une nouvelle voie s’impose après les événements du 11 septembre

Le monde musulman et le monde occidental se sont scindés au lendemain des événements du 11 septembre. A ces attentats suicides ont succédé d’autres attaques semblables, que ce soit à Bali, à Londres, à Madrid, à Bombay ou dans d’autres parties du monde. Toutes au nom de l’islam. Plus d’une décennie s’est écoulée et deux guerres sanglantes ont été conduites dans des pays majoritairement musulmans, financées par les Etats-Unis au nom de la lutte contre la terreur. Aujourd’hui, les tensions sont encore élevées entre les sociétés musulmanes et le monde dit occidental. Nombreux sont ceux qui adhèrent à la vision d’un monde divisé par la croyance ou la culture. Selon cette conception, les deux civilisations – musulmane et occidentale – sont incompatibles et destinées à s’affronter. Cette idée est non seulement erronée, elle est aussi dangereuse en ce qu’elle risque de créer un effet pygmalion. Un des défauts flagrants de la théorie des deux civilisations contraires est le fait qu’il n’existe pas un monde exclusivement musulman, tout comme il n’existe pas non plus un monde exclusivement occidental. Contrairement à ce que cette vision dépeint, le monde n’est pas noir ou blanc. Il existe autant de nuances dans une culture que dans l’autre. Ceux qui ont choisi d’ignorer cette réalité ont amplifié les différences et ont contribué à accroître des tensions déjà existantes. La population musulmane, par exemple, est si diversifiée qu’il est difficile de lui attribuer une culture unique. D’un point de vue géographique, elle s’étend de l’Indonésie jusqu’au Maroc, et elle comprend des populations musulmanes importantes dans des pays comme la Chine, l’Inde, et les Etats-Unis, sans compter les pays européens. Outre quelques rituels religieux, la communauté musulmane d’Indonésie ne partage rien de majeur avec son homologue en Arabie Saoudite, au Pakistan ou encore en Turquie. Elles ont très peu de points communs, que ce soit d’un point de vue culturel ou politique. D’un point de vue politique, les diversités intra-sociétales sont plus prononcées que les diversités inter-sociétales. Les communautés musulmanes se composent de libéraux, de modérés, de démocrates, de conservateurs et de fondamentalistes. Ces sociétés comptent également des groupes extrémistes, mais ils ne peuvent en aucun cas prétendre représenter la majorité. En faisant l’amalgame des 1,6 milliard de musulmans, nous risquons des généralisations trompeuses et des stéréotypes dangereux. Un de ces stéréotypes consiste à affirmer que tous les musulmans sont violents – une perception qui a entretenu l’islamophobie dans le monde occidental. Aussi longtemps que les individus adhéreront à une vision du monde divisée entre les civilisations – l’Occident et le monde musulman –, il est peu probable que nous parviendrons à combler le fossé ou dépasser les suspicions mutuelles. Les tensions ne disparaîtront pas, au contraire, elles seront constamment exploitées par les extrémistes des deux camps, dont l’objectif et tout sauf la paix. Il existe bien des groupes dans les pays majoritairement musulmans qui profitent politiquement du sentiment anti-occidental ou anti-américain, tout comme des groupes occidentaux qui exploitent le sentiment anti-islam dans leur société. En acceptant la vision d’un monde divisé entre civilisations, ceux qui s’efforcent de resserrer le fossé, aussi bien intentionnés soient-ils, continuent de s’enfoncer dans le chemin de la guerre, frayé par les extrémistes. Nous devons, au contraire, suivre une voie nouvelle, celle de la paix et qui mène vers un monde dont la civilisation unique est composée d’autant de civilisations qu’il existe. Ceci est possible, en mettant fin à la vision du monde en tant qu’il est divisé entre l’islam et l’Occident. Les individus de ces deux mondes n’ont probablement pas les mêmes cultures et leur développement économique en est à des stades différents. Mais ils partagent les mêmes souhaits : liberté, démocratie, dignité, prospérité. La preuve en est la jeunesse arabe et sa volonté de lutter pour faire de ces aspirations une réalité au cours du Printemps arabe en 2011. La collaboration et la clé de la réussite, et non la lutte ou la rivalité. Il n’existe qu’une seule civilisation aujourd’hui, une civilisation qui a évolué et qui s’est développée au cours de centaines d’années, et dans laquelle les habitants du monde musulman et du monde occidental ont joué un rôle primordial. Les nations ne peuvent ni ne doivent être définies par la seule religion de la majorité. Plus tôt nous accepterons ce fait, plus nous serons en mesure de collaborer, de résoudre les problèmes et relever les défis, les uns avec les autres.
Endy Bayuni, journaliste indonésien
 

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