Les pays du Maghreb sans chef d’Etat «fixe»
Par un curieux coup du sort, les pays du Maghreb se retrouvent en ce moment pratiquement sans chef d’Etat : d’abord, en Algérie, où le président Bouteflika, après avoir été hospitalisé en urgence pour un AVC, est actuellement en convalescence ; au Maroc voisin, on est sans nouvelles du roi Mohammed VI, il aurait eu des problèmes respiratoires et aurait été opéré, il serait actuellement en convalescence, lui aussi ; toutes les informations le concernant sont au conditionnel sauf celle sur sa non-apparition en public ; en Mauritanie, le président, blessé dans un attentat, est toujours sous surveillance médicale et passe son temps dans des va-et-vient entre son pays et la France où il se soigne; quant à la Tunisie, il s’agit d’un président par intérim, il n’y a pas eu d’élection présidentielle après la chute de Ben Ali. La Libye est dans une situation tellement chaotique que personne ne se rend compte qu’il lui manque un président, et si on étend le regard hors du Maghreb tout en restant dans la région, on constate qu’au Mali, c’est la même situation, il n’y a pas encore de président. Comment vont les choses dans ces pays ? Au plan interne, tout dépend des institutions et des équilibres des pouvoirs qui sont installés mais au plan régional, avec les interactions très étroites entre ces différents pays et avec leurs partenaires immédiats, du point de vue géographique, mais également du point de vue sécuritaire, il y a sans doute un réel problème. La magistrature suprême, comme on l’appelle, n’a pas, dans ces pays, seulement un rôle protocolaire, surtout quand il s’agit de relations internationales portant sur les grandes questions qui touchent la région. Or, depuis que le printemps arabe a commencé à produire ses effets, le Maghreb et le Sahel sont au centre d’une géopolitique d’une sensibilité extrême, une sorte de poudrière. Le terrorisme installé au Sahel et qui cherche à s’implanter en Tunisie ; les mouvements d’armes et de groupes armés qui ont pour origine la Libye ; la situation économique et sociale détériorée au Maroc, laissant la voie ouverte à toutes les dérives possibles en l’absence du roi ; ces éléments et d’autres donnent plus de relief à l’absence de chef d’Etat dans ces pays. Une situation qui a sans doute un côté cocasse mais qui est tout de même source d’inquiétudes.
Kamel Moulfi
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