L’épicentre du mal
Par M. Aït Amara – Le fort séisme ressenti quelques minutes à peine après le s’hor (dernier repas avant le jeûne) est un signe révélateur, diraient les fatalistes. C’est un message divin pour nous secouer, nous sortir de notre inertie. Depuis le début du Ramadhan, les mines sont austères, les airs patibulaires, les visages défaits, les nerfs à fleur de peau. «Il faut que ça bouge !» s’est écrié, pas plus tard qu’hier, un voisin. Et ça a bougé ! Il y a quelque chose de bien dans les tremblements de terre ; ils réveillent les consciences endormies, transforment la vanité en peur et réfrènent la goinfrerie. Mais les séismes ont aussi un côté néfaste. Outre qu’ils tuent, ils stimulent les faux-semblants. Il n’y a pas de doute que les pratiquants sincères devront se rendre à la mosquée un peu plus tôt que d’habitude aujourd’hui, car ils y trouveront un encombrement monstre. De même que les ventes de foulards «islamiques» (antisismique ?) vont exploser. Mais cet affolement ne durera que quelques jours, le temps que les choses redeviennent «normales» et que nous retournions à notre douce paresse et à nos grommellements face à nos plaisirs inassouvis de ce bas-monde. Aujourd’hui, et pendant quelques jours, il y aura plus de monde à l’entrée des maisons de Dieu que devant les échoppes de gourmandises que les jeuneurs disputent aux bestioles en tous genres. Ce qui a bougé cette aube, ce sont les murs, pas les cœurs. Pour que nos cœurs tremblent, il faudrait que nous nous départissions de nos vices dont la magnitude dépasse toutes les échelles, que nous décelions nos failles, cessions ce tsunami d’hypocrisie dont la puissance menace une société installée en bordure de la bonne foi. Bientôt, tout sera comme avant et chacun de nous vaquera à ses vices jusqu’à ce que, de nouveau, la terre bouge sous nos pieds et nos corps balancent entre la gaucherie et la droiture.
M. A.-A.
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